La 1re D.F.L. dans la défense de Strasbourg, par Pierre Coffinier

La 1re D.F.L. dans la défense de Strasbourg, par Pierre Coffinier

La 1re D.F.L. dans la défense de Strasbourg, par Pierre Coffinier

Si en janvier 1945, von Maud avait réussi dans son offensive visant Strasbourg, si en compensation de son échec dans les Ardennes, Hitler avait pu se prévaloir d’un succès en Alsace, à la joie et à l’enthousiasme qui suivirent la délivrance de la ville par la 2e D.B., aurait succédé la rigueur d’une occupation réactionnaire avec le cortège de misères et de douleurs qu’auraient occasionné l’esprit vindicatif et la hargne de la Wehrmacht aux abois.
Si donc, dès novembre 1944, la glorieuse 2e D.B. sut mettre fin à l’occupation allemande de Strasbourg au terme d’un rush victorieux, la bataille pour la ville n’en fut pas achevée pour autant ; elle reprenait en janvier 1945 un aspect nouveau et, dans cette phase de la lutte pour la capitale de l’Alsace, de nouvelles pages d’histoires, aussi glorieuses que les précédentes sinon semblables, furent écrites par d’autres unités au cours d’une bataille qui aboutit au maintien des résultats acquis : Strasbourg, libérée en novembre mais gravement menacée, n’était définitivement sauvée qu’à l’issue des combats de janvier.
Comme il est courant qu’en France l’opinion mal éclairée, plus sentimentale qu’objective, a tendance à oublier dans l’euphorie de la victoire les heures critiques de son histoire, il semble bien que le rôle des unités de la Ire armée française dans la bataille de janvier, en particulier l’action de la 1re D.F.L. au sud de Strasbourg, du 7 au 18 janvier, ainsi que l’importance de l’enjeu, n’aient pas été suffisamment connus et mesurés.
Et pourtant si Strasbourg, délivrée du joug allemand par la 2e D.B., en novembre 1944, put rester française deux mois plus tard, ce fut au sacrifice de divisions telles que la 1re D.F.L. qu’elle le dut.

La situation avant le 7 janvier 1945

C’est dans la soirée même de Noël que la 1re D.F.L., déployée dans la région est de Royan, est alertée pour rejoindre directement le front d’Alsace. Son mouvement bénéficiera de toutes les priorités de circulation : Angoulême – Limoges – Autun – Dijon, nous refaisons à toute vitesse, par un froid glacial, en sens inverse, notre itinéraire de début décembre. La 1re D.F.L. doit relever la 2e D.B. sur les emplacements que cette dernière division a atteints au terme de son offensive de novembre 1944, la division du général Leclerc étant appelée à opérer plus au Nord, dans la région de Bitche où les Allemands viennent d’amorcer les préludes d’une deuxième offensive.
Le 2 janvier 1945, la relève est terminée ; dans ses grandes lignes la 1re D.F.L. s’articule comme suit :
– la 4e brigade du colonel Raynal au Nord, avec deux bataillons, B.I.M.P. et B.M.24, entre l’Ill et le Rhin, le B.M.21 restant sur l’Ill ;
– la 2e brigade du colonel Gardet au Sud, de Benfeld à Sélestat, avec les B.M.4 – B.M.5 – B.M.11 ;
– la 1re brigade du colonel Delange, 13e demi-brigade et B.M.N.A., est initialement en réserve.
C’est dans ces conditions que le B.M.24, dont les éléments précurseurs traversent l’Ill, le 1er janvier, prend contact avec le groupement du colonel Dio, à Obenheim, pendant que le B.I.M.P. relève le groupement du colonel de Guillebon, à Rossfeld et Herbsheim.
Dès mon arrivée à Obenheim je me présente au colonel Dio, que je n’avais pas revu depuis la Tripolitaine, à Sabratha, en 1943. Dans une ambiance de sympathie manifeste, les consignes sont prises sans difficulté auprès de nos camarades de la 2e D.B. ; il suffit d’ailleurs d’adopter un dispositif identique à celui du groupement blindé, compte tenu de nos moyens considérablement plus réduits en effectifs et en matériels. En fait nos camarades ne peuvent nous cacher leur étonnement de la faiblesse de nos moyens eu égard à la mission qui nous reste dévolue.
Le 2 janvier tout est en place, la relève est effectuée ; toutefois, avant son départ, j’ai l’honneur d’être invité à la table du colonel Louis Dio où, précisément, la présence du colonel Berger Malraux et du lieutenant-colonel Jacquot, me permet de faire connaissance avec la brigade « Alsace-Lorraine », dont les éléments occupent Gerstheim, dans la partie nord de mon quartier.
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La division a, elle aussi, terminé sa relève ; encore très éprouvée par les combats de novembre, avec ses effectifs réduits, des moyens sensiblement moins puissants, largement étalée sur près de 40 kilomètres, mais jouissant d’un moral très élevé, la 1re D.F.L. a pris à sa charge la mission de la division soeur. Et ce sont dès lors l’attente dans l’incertitude des intentions adverses, les patrouilles quotidiennes, l’organisation des points d’appui, les escarmouches de tous instants.
Dans ses grandes lignes, la ligne des avant-postes de la 1re D.F.L. affecte la forme d’une équerre ; le côté est correspond au Rhin, de Plobsheim à Rhinau ; la face sud va du Rhin à Sélestat, au travers de la plaine d’Alsace.
L’hiver est rude, la neige des chutes précédentes couvre encore le sol ; il fait froid.
Les villages des avant-postes : Rhinau – Frisenheim – Wittenheim, dévastés au cours des combats de novembre, évacués de leurs habitants, apparaissent désolés.
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Le sud de Strasbourg (RFL).

Après un début prometteur, l’offensive allemande des Ardennes semble avoir avorté et pouvoir être contenue par les Alliés, cependant qu’en Lorraine, la poussée n’a pas apporté aux Allemands les succès escomptés.

Il leur faut, pour des raisons de propagande et rendre espoir à leurs troupes, un succès spectaculaire.
L’ancien gauleiter d’Alsace, Wagner, Himmler lui-même, qui se trouvent dans le pays de Bade, insistent auprès du führer pour qu’une attaque soit lancée afin de reprendre Strasbourg.
Et la Wehrmacht met en place ses divisions d’élite. Ses patrouilles s’intensifient, attaquent chaque nuit nos avant-postes à Rhinau-Frisenheim-Neukirch.
« Je compte sur vous pour pouvoir annoncer au führer, dans quelques jours, que le drapeau à croix gammée flotte à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg », dira le 5 janvier, de son Q.G. d’Achern, le général Von Maud, commandant le groupe d’armée d’Obenheim, s’adressant à ses troupes.
Au nord de Strasbourg, sans être critique, la situation s’aggrave rapidement. À l’est du Rhin des mouvements de troupes, des concentrations, des déplacements d’unités blindées sont observés chaque jour. Déjà, le commandement allié projette de se replier pour s’appuyer sur la crête des Vosges. Déjà, à Strasbourg, la population est dans l’anxiété. Mais va-t-on quitter délibérément cette terre d’Alsace si durement reconquise ? Quelles seraient les représailles à l’égard de la ville si la France abandonnait l’Alsace sans faire l’ultime sacrifice ?
Le général de Gaulle intervient personnellement auprès des Alliés ; l’Alsace ne sera pas abandonnée, mais l’armée française devra seule assurer la défense de Strasbourg. La 3e D.I.A. entre en ligne de part et d’autre de Strasbourg ; la 1re D.F.L. reste sur ses positions où elle continue à s’organiser fiévreusement dans l’attente de l’attaque.

Les combats du 7 au 11 janvier

C’est le 7 janvier, vers 7 heures, que se déclenche l’attaque allemande sur le front sud de la division ; elle est axée sud-nord ; tandis qu’une colonne blindée, immédiatement à l’ouest du canal du Rhône au Rhin remonte vers Kraft, une colonne d’infanterie, soutenue par des chars attaque le B.I.M.P., à Rossfeld et Herbsheim.
Sous les ordres du commandant Magendie et du capitaine Roudaut le B.I.M.P. résiste brillamment et maintient intégralement ses positions dans les deux villages.
Au nord, la compagnie Lafaurie du B.M.21 a pu, in extremis, au nez des premiers Panzer arrivés, faire sauter le pont de Kraft sur le canal de décharge de l’Ill.
L’attaque ne peut s’enfoncer plus avant ; elle est stoppée.
Néanmoins, ayant perdu l’occasion de passer à Kraft par surprise, l’ennemi maintiendra ses efforts désespérés pour forcer le passage de l’Ill les jours suivants.
Il n’y réussira pas grâce au B.I.M.P., aux fusiliers marins, aux artilleurs et à tous ceux de la 1re D.F.L. – légionnaires, bataillons des 1re et 2e brigades, sapeurs, détachements de F.T.A. – qui interviendront successivement dans la bataille.

Les combats du B.M.24

Cependant à l’est du canal du Rhône au Rhin, le B.M.24 n’a pas été directement attaqué, mais isolé en fin de journée, du reste de la division. Complètement encerclé, il ne pourra plus compter désormais que sur lui-même.
Dès 7 heures du matin, le 7 janvier, les avant-postes de Rhinau et Frisenheim ont été violemment bombardés ; les avant-postes sur le canal, successivement attaqués par des forces bien supérieures en nombre, ont pu faire sauter les ponts et se replier comme prévu après avoir donné l’alerte.
Et tandis qu’à hauteur d’Obenheim, entre le B.I.M.P. et le B.M.24, longeant la berge ouest du canal, défilent les colonnes allemandes, nos artilleurs s’en donnent à cœur joie : leurs observateurs, des clochers de Obenheim et de Boofzheim, suivent les mouvements des unités motorisées et des chars allemands, les traquant sans répit par des tirs ajustés et bien observés.

8 janvier.
– Dès le 8, l’étreinte ennemie se resserre, le bombardement devient plus intense ; les patrouilles allemandes sont plus actives, s’infiltrent très profondément entre Boofzheim et Obenheim ; les réactions de l’artillerie et des armes lourdes du bataillon sont violentes : à Boofzheim, une patrouille allemande laisse huit morts sur le terrain. Au nord de Gerstheim, des rassemblements d’infanterie et de chars sont dispersés par l’artillerie.
Le moral reste néanmoins très élevé ; dès le début de l’après-midi le bruit d’une fusillade assez proche donne forme à nos espoirs et nous suivons, aux bruits de la bataille, les progrès du C.C.5 et du B.M.11. Mais la nuit tombe, il faut nous rendre à l’évidence : la contre-attaque a échoué.
Il est certain qu’il semble difficile de garder un espoir de rétablir la liaison avec le B.M.24. Pour ne pas perdre ce bataillon il faudrait lui donner l’ordre de rejoindre les lignes par une sortie en force en direction de Kraft. Cette solution, un moment envisagée, n’a pas été retenue : le B.M.24 restera sur place. Toutefois, pour améliorer la situation du bataillon, l’ordre est donné de regrouper, à Obenheim, la totalité de ses unités et les éléments de la brigade « Alsace-Lorraine » qui tiennent Gerstheim.
Comment reprendre la liaison avec Gerstheim ? Un réseau de postes d’observations allemands ceinture Obenheim ; les patrouilles ennemies circulent sans cesse entre les deux villages ; le fil téléphonique, bien entendu, est coupé depuis le premier jour.
La 2e compagnie est chargée de rechercher des volontaires pour cette liaison ; ceux-ci ne manquent pas : deux soldats, parlant allemand, c’est suffisant, quittent Obenheim vers 21 heures ; à 2 heures du matin, deux autres volontaires partent dans les mêmes conditions car les premiers ne sont pas rentrés et, coûte que coûte, il faut connaître la situation de nos camarades de Gerstheim.
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Janvier 1945 – Malgré la neige le canon crache (RFL).

Ce n’est que le 9, vers 8 heures du matin, que nos volontaires reviennent ; tous ont pu se faufiler dans Gerstheim, occupée par les Panzer. Gerstheim est tombée le 8, vers 16 heures, les commandos de la brigade « Alsace-Lorraine » ont pu échapper à l’étreinte.

Regrouper à Obenheim la garnison de Boofzheim n’est pas une petite affaire ; toute l’après-midi du 8, les Allemands ont travaillé et patrouillé dans les bois au sud d’Obenheim. Comment le capitaine Tencé, qui commande à Boofzheim, pourra-t-il rompre le contact, regrouper ses éléments, faire passer ses véhicules sans donner l’alerte, ce qui serait catastrophique ?
Il est 21 heures lorsque le capitaine Tencé reçoit l’ordre, par radio, de rejoindre Obenheim, il doit, impérativement, avoir terminé son décrochage avant 2 heures du matin, afin qu’à Obenheim le nouveau dispositif puisse être en place au jour.
Vers 22 heures, une Jeep arrive au P.C. du bataillon : ce sont les volontaires que le capitaine Tencé a lancés sur la route pour voir si la voie était libre, car nous lui avons signalé l’activité allemande de la journée sur cette route.
À 2 heures du matin le capitaine Tencé en personne, la pipe entre les lèvres comme toujours, se présente au P.C., calme et souriant ; la garnison de Boofzheim est arrivée sans encombre à Obenheim ; véritable tour de force devant lequel les Allemands, surpris, n’ont pu réagir ; la compagnie a même pu, au passage, assurer les destructions prévues. Hélas, les stocks de munitions n’ont pu être emmenés. Rapidement, le dispositif du bataillon est remanié, les P.A. sont renforcés, une mince réserve est constituée.
9 janvier. – Nous sommes sûrs que de nouveaux efforts vont encore être tentés pour nous délivrer. Dans la matinée, en effet, le bataillon reçoit l’ordre d’attaquer à partir d’Obenheim avec pour objectif le pont sur le canal de la route de Sand à Obenheim ; heure H : 10 heures.
La précision de l’ordre reçu nous fait penser que cette fois l’affaire réussira et le bataillon fera l’impossible pour atteindre l’objectif.
Préparation d’artillerie, tirs de mortiers, tirs d’encagement des armes lourdes ; à 10 heures, la 1re compagnie du capitaine Charlet passe à l’attaque, la section du lieutenant Vilain la couvre sur son flanc gauche.
Un violent tir d’artillerie s’abat aussitôt sur le carrefour de route à l’ouest du village d’où vient de déboucher la 1re compagnie ; celle-ci n’en continue pas moins sa progression à travers les vergers, bien décidée à atteindre le canal : elle y arrive vers 12 heures.
Situation bizarre : le canal a moins de 10 mètres de large ; sur la berge ouest, les Allemands ont mis un char Tigre presque à défilement de tourelle, à peine voit-on ses chenilles ; côté est, nos Marsouins, en rampant, arrivent à observer de temps à autre, en risquant un coup d’œil au ras de la berge ; pour atteindre les nôtres, le char, tirant dans les arbres, arrose d’éclats la compagnie qui, rapidement, creuse des trous individuels.
De son côté, la section Vilain qui, pour permettre le débouché de la 1re compagnie et lui donner du champ vers sa gauche, a dû se porter dans les bois au sud d’Obenheim, est fortement accrochée. Vilain en a vu d’autres, et jusqu’au soir, parfois à moins de 50 mètres des tireurs d’élite boches, sa section tiendra ; elle perdra cependant plus du tiers de son effectif.
Si le B.M.24 a été exact au rendez-vous, là-bas, vers l’Ill, le B.M.11 et le C.C.5, pris entre deux feux dès le départ, n’ont pu venir jusqu’à nous. L’espoir demeure quand même ; mais la nuit venue, la liaison n’ayant pu être effectuée, chacun décroche à grand-peine ; les pertes ont été sévères.
Ce même jour, nous avons été arrosés de tracts, les anciens de la campagne d’Italie mai-juin 1944, n’ont pas oublié le bruit désagréable des « nebels ». C’est ce même bruit que nous entendons au départ des projectiles qui nous distribuent les tracts.
Pour le bataillon, la journée a été très dure, pas une minute de répit, les hommes sont fatigués.
Le docteur, qui a fait des pieds et des mains pour être affecté à un bataillon en premier échelon a de quoi satisfaire son activité, hélas, car les poste de secours (il y en a trois d’installés dans les meilleures caves du village) abritent déjà plus de 50 blessés graves.
La dotation en munitions est fortement entamée, certains médicaments manquent ; je demande un ravitaillement par avion.
La nuit du 9 au 10 se passe sans incident particulier.
10 janvier. – Dès le lever du jour, à nouveau des tracts. Vers 10 heures, le climat paraît bizarre, le bombardement est levé. Que se passe-t-il ? Par hasard, le fil entre le P.C. et le P.A. du lieutenant Vour’ch a pu être réparé ; on me téléphone que deux Allemands, porteurs d’un immense drapeau blanc, s’avancent vers le village par la route venant de Boofzheim. Le premier réflexe de curiosité passé, je songe à réduire au minimum l’importance de l’incident, en prévoyant aussitôt l’objet ; je donne l’ordre de les stopper immédiatement et de les refouler sans les entendre.
Le capitaine Joubé se charge de faire exécuter mon ordre, nos Allemands prennent le pas de gymnastique et, plus vite qu’ils n’étaient venus, déguerpissent pour se mettre à l’abri des bois.
Quelques minutes plus tard, le bombardement reprend de plus belle ; il ne cessera que vers 14 heures lorsque nos avions, survolant la position effectueront le premier parachutage de vivres et de munitions.
Vers 14 heures, un vrombissement dans l’air ; d’assez haut, un groupe d’avions monomoteurs nous survole. Ce sont les premiers avions que nous apercevons depuis quatre jours notre cœur se serre, on ne nous oublie pas.
Un deuxième passage à plus faible distance 300 mètres peut-être. Ils passent à la verticale d’Obenheim ; des points noirs se détachent de chaque avion, puis, presque tous au même instant, les parachutes blancs s’ouvrent, se balançant au vent et brillant au soleil.
À terre chacun lève le nez, tous discutent ferme. Les Allemands se sont terrés, leur artillerie se tait. Une partie des « containers » sans parachute, tombent sur le village et fracassés, s’ouvrent au sol : rations K, rations C ; à première vue il y aura la possibilité de récupérer l’équivalent de deux jours de vivres.
Les parachutes apparaissent de plus en plus larges au fur et à mesure qu’ils descendent ; chacun les suit des yeux anxieusement car le vent se met de la partie et les entraîne insensiblement vers le sud, vers les bois tenus par les Allemands. Un deuxième parachutage a lieu dans les mêmes conditions environ une heure après.
À peine le dernier avion a-t-il disparu à l’horizon, vers le nord, que le bombardement reprend ; des hommes sont blessés, des maisons brûlent de tous les côtés : cette fois l’affaire est sérieuse.
Le ramassage des « containers » n’en continue pas moins mais le vent n’a pas été beau joueur et a poussé la majorité des parachutes vers les bois, ou le « no man’s land ».
On s’active ferme cependant, car pour nous, récupérer des munitions, c’est une nécessité ; ce qui nous intéressait surtout ce sont les munitions d’armes lourdes, mortiers et grenades.
La nuit du 10 au 11 janvier. – À 16 heures le bombardement ennemi brusquement se panache de fumigènes, les balles sifflent de toutes parts, c’est l’attaque. Des tirs ajustés d’artillerie tombent sur les lisières du village, la fumée blanche des fumigènes mêlée à celle des incendies gêne l’observation. L’infanterie et les chars allemands attaquent d’abord par le Nord puis par l’Est, enfin par le Sud ; l’attaque est générale, l’affaire promet d’être sérieuse.
Forts de l’expérience malheureuse qu’ils ont acquise les jours précédents contre le B.I.M.P. à Rossfeld et Herbsheim, où ils ont pu prendre la mesure des combattants de la 1re D.F.L., les Allemands ont mis les moyens ; ils ont fait appel à leurs combattants d’élite : infanterie des unités Panzer et S.S.
Au moment où l’attaque se déclenche, si quelques containers de vivres, lâchés sans parachute, ont pu être récupérés ainsi que des médicaments, bien peu de munitions ont été ramassées : quelques cartouches de carabine, des munitions de Brenn-gun destinées dans l’esprit du commandement, à la garnison de Gerstheim (réduite depuis la veille).
Nous n’avons plus, au début du combat, que des munitions de mitrailleuses et de F.M. en quantité très réduite et des cartouches de fusil. Il nous reste 40 obus de mortiers de 81 mm, quelques obus de 60 mm, des obus de 57 antichars, quelques grenades : à peine une heure d’un combat soutenu.
Dans les postes de secours, le docteur s’affaire auprès de plus de 50 blessés graves dont quelques-uns grièvement atteints se trouvent là depuis près de quatre jours.
Tout cela personne ne l’ignore ; aussi bien les chefs que les soldats, chacun sait que le combat sera décisif. Chacun sait aussi que l’ordre est de tenir jusqu’au bout, tous bien décidés à lutter jusqu’à l’extrême limite de nos moyens. Dès le début le combat revêt une intensité et un acharnement extraordinaires.
Malgré une panne bien inopportune de la radio, les tirs d’arrêts ont pu être déclenchés au Nord d’abord, puis le barrage général, plusieurs fois renouvelé d’ailleurs : les Allemands sont sévèrement touchés.
C’est la 2e compagnie au Nord qui supporte le choc le plus violent. L’infanterie des Panzer à la faveur des fumigènes et appuyée par ses chars cherche à s’infiltrer vers le cimetière ; nos mitrailleuses font rage ; l’ennemi attaque utilisant abondamment les grenades à fusil et à main.
La réaction du bataillon est tout de suite violente et déjà de nombreux cadavres allemands jonchent le terrain.
Mais pour nos fantassins, le principal ennemi est le Panther, adversaire imposant et redoutable. C’est donc avant tout un duel char-antichar qui s’engage. Nos canons de 57, ceux qui restent, car trois ont été mis hors d’usage au cours des bombardements, ont affaire à forte partie.
Déjà les Allemands ont pris pied dans le village. Au Sud, à l’Est ils sont cependant contenus bien qu’ils aient réussi à porter le combat au corps à corps.
Nos 40 obus de mortiers, en quatre tirs, malheureusement comme au compte-goutte, ont fait leur travail et la ruée ennemie à l’Est a pu être stoppée. Sans leurs chars, qui depuis la levée des tirs d’appui de leur artillerie, ont pris à leur compte les uns le bombardement systématique, à bout portant, des différents points d’appui, les autres celui de l’intérieur du village, peut-être l’infanterie aurait-elle été arrêtée au Nord comme elle le fut tout d’abord au Sud et à l’Est. Mais les chars sont redoutables ; successivement les canons de 57 sont réduits au silence, détruits par des tirs à bout portant.
Vers 19 heures le combat revêt un autre aspect, la lueur des incendies, la fumée créent une atmosphère tragique. Il faut contre-attaquer et nettoyer la partie nord du village. Un tir d’artillerie, est demandé au nord du cimetière ; notre appel par radio a pu être entendu ; le tir semble avoir été déclenché.
La section Vilain complétée par des éléments de la section Cailleau ainsi qu’un groupement prélevé sur le personnel du poste de commandement du bataillon part à la contre-attaque en direction du Nord mais nous n’avons plus de grenades, presque plus de cartouches, de F.M. et de pistolets mitrailleurs ; les Allemands sont stoppés mais leurs chars à leur tour enrayent la progression.
Les munitions commencent à manquer, le crépitement des mitrailleuses est moins soutenu, les rafales sont plus courtes et moins fréquentes, nous n’avons plus une seule grenade.
Les chars sont partout, l’un d’eux est arrivé en plein cœur du village, et contre lui nous n’avons plus que des cartouches de fusil.
Vers 21 heures les combats continuent, si le crépitement des mitrailleuses ne se fait plus entendre, si les dernières rafales ont cessé avec les dernières cartouches d’armes automatiques, les points d’appui maintenant isolés les uns des autres, sans liaison, n’en continuent pas moins une lutte devenue inégale mais toujours aussi acharnée.
Vers 23 heures, submergée par le nombre, écrasée par les chars, à bout de munitions, la garnison d’Obenheim est pratiquement anéantie.
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Par la suite, au cours de l’année 1945, un détachement de la 1re D.F.L. et la musique de la musique de la 4e brigade se rendirent à Obenhenn pour commémorer les combats de la division en Alsace.
En présence de M. Cornut-Gentille, préfet du Bas-Rhin ; du général de Vigier, gouverneur militaire de Strasbourg et du colonel Raynal, représentant le général Garbay, fut inauguré un monument édifié par le génie divisionnaire à la mémoire de nos morts.
Dans sa simplicité, ce monument rappelle les sacrifices consentis par la 1re D.F.L. pour la défense de Strasbourg du 7 au 18 janvier 1945.
Lieutenant-colonel Coffinier
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 84, janvier 1956.