Liaison avec la 2e D.B., par Ève Curie

Liaison avec la 2e D.B., par Ève Curie

Liaison avec la 2e D.B., par Ève Curie

Mlle Ève Curie, qui était alors officier de liaison du 3e bureau de l’armée B, détachée à la 1re D.F.L., a bien voulu nous confier quelques notes sommaires prises à la hâte sur un carnet de route et concernant la journée du 12 septembre 1944.
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Nod-sur-Seine : le monument de la jonction (RFL).

Le P.C. de la 1re D.F.L. avait fait mouvement ce même jour en direction de Nuits-Saint-Georges. Le général Brosset avait rendu visite dans la matinée à des amis retrouvés dans la région (des négociants en vin). Après des courses et travaux divers, le déjeuner au mess et une courte sieste, le général décidait, un peu avant 16 heures, de partir pour Dijon « et plus loin ». On l’entendit appeler : « Où est Pico ? Où est la mitraillette » ? Il désigna le lieutenant Curie pour l’accompagner. Départ du général (avec lieutenant Curie et le sergent Pico). Traversée de Dijon en fête. Des gens applaudissent. À Sainte-Seine-l’Abbaye, ville délivrée depuis très peu de temps, population gaie, heureuse, jetant des fleurs. Rencontre des éléments avancés du 1er Régiment de Fusiliers Marins (commandant Savary). Il fait une belle journée, du soleil. Le général décide d’aller plus loin. Il demande une Jeep et un scout-car pour l’accompagner.

On avance (à trois véhicules maintenant) dans un grand paysage beau et vide. Seule rencontre deux voitures F.F.I.
À Courceau (environ 15 kilomètres nord-ouest de Sainte-Seine, sur nationale 71) premier contact établi avec une voiture de l’armée française allant dans l’autre sens. C’est un half-track de la 2e D.B. faisant une patrouille. La rencontre a lieu en face du café de la Seine. Il est 5 h 15.
Arrivé à Saint-Marc, près de Nod-sur-Seine (sur la nationale 71) le général rend visite à une de ses parentes (une tante ?) personne assez âgée qui dit paisiblement : « Il y a une demi-heure on tirait dans le jardin » – parlant d’ailleurs de coups de feu isolés, non d’une bataille sérieuse. Cette dame offre du vin à ses visiteurs. L’heure s’avançant, et le général étant attendu plus tard dans l’après-midi pour un rendez-vous important, il décide de rebrousser chemin (dans sa Jeep personnelle). Il reprend le chemin de Dijon, mais il autorise le lieutenant Curie à compléter la liaison en poursuivant jusqu’à Châtillon-sur-Seine dans une des voitures d’accompagnement, dans le but de prendre contact avec la 2e D.B. dans cette localité.
Dans la Jeep du 1er R.F.M. se trouvent le lieutenant Curie et deux fusiliers marins. Celui qui conduit, extrêmement vite et adroitement, s’appelle André Bon, de Brest. Il a 21 ans. En 1940 il était un étudiant de 17 ans. Il a gagné l’Angleterre en bateau de pêche. Il a fait Dakar, le Gabon, la Lybie, la Syrie, la campagne d’Italie. L’autre garçon est d’Audierne ; il a gagné l’Angleterre dans un thonier en 1940 (les notes portent le nom de Charpentier mais je ne sais plus si elles désignent son nom ou bien son métier).
La Jeep, avec pare-brise baissé, mitrailleuse prête mais en fait bien inutile, fonce sur la route. Les gens accourent pour la voir ; des gens sortent des maisons, courent sur la route. Des grappes d’enfants curieux. Un troupeau de moutons reflue vers des prés, par-dessus un talus. Des prêtres qui nous hèlent de loin, agitent des petits drapeaux. Puis un long passage de route vide. Des enfants à bicyclette. Des arbores abattus barrent la route ; déviation. Et voici la Seine (bien jeune et maigre encore… Encore des villages ; des gens qui crient de joie. Il se fait tard. Arrivée à Châtillon. Le commandant d’armes F.F.I. (colonel Nicolas ?) n’est pas à son P.C. Une femme donne quelques renseignements au lieutenant Curie. Des gens de la ville applaudissent la Jeep.
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Nod-sur-Seine, 1944 : les fusiliers marins de la D.F.L. et de la 2e D.B. (RFL).

Recherche du P.C. des spahis. Il y a des spahis en calots rouges dans les rues. Atmosphère de « dimanche ». Trouvé au P.C. le lieutenant Calmette (5e escadron du 1er régiment de marche de spahis marocains). Échange de renseignements sur la position des unités. Nous allons dans la petite salle du café pour regarder la carte. Récits, par le lieutenant Calmette et l’aspirant Bompard, de l’entrée dans Paris libéré. Impression extraordinaire de voir des Français qui étaient là, qui ont vu Paris libéré. On échange des renseignements sur des camarades Free French (de la D.F.L. et de la D.B.). « Un tel a été tué, un tel blessé, qu’est devenu un tel », etc.

Un lieutenant américain de la IIIe armée U.S. et deux sous-officiers se joignent à nous. Ils s’entretiennent avec le lieutenant Curie dont la Jeep est la première qu’ils aient vue venir du Sud dans cette région. Ils prennent des photos (noms pas relevés).
Il est 19 h 40. Après des adieux cordiaux, départ de la Jeep de liaison vers le sud. Allure rapide dans la nuit qui tombe. Nous revoyons les enfants des villages courir vers nous, lancer des fleurs dans l’ombre, agiter des drapeaux. Des femmes, sur le bord des routes, rient et crient. Retour sans incident à Sainte-Seine, Dijon, enfin Nuits-Saint-Georges. Dîner sommaire et tardif ; compte rendu de la mission de liaison donné au capitaine Lhuillier (officier de garde).
Le lendemain (mercredi 13) nous avons tous assisté à la célébration solennelle fêtant la libération de Dijon (défilé, Te Deum, déjeuner).
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 79, 18 juin 1955.