17 juin 1944 – 17 juin 1974 : trentenaire de l’île d’Elbe
Par le général d’armée F. Gambiez, membre de l’Institut
Il y a trente ans. En Normandie, la bataille fait rage.
En Italie, l’avance alliée s’accentue. Rome dépassée, voici qu’à nouveau la résistance allemande se durcit à hauteur de Piombino.
L’île d’Elbe devient un des points essentiels de cette défense. L’île légendaire, caparaçonnée de béton et d’acier, souvenir du déclin d’une glorieuse destinée, va devenir le point de départ d’une nouvelle épopée qui, de victoire en victoire, portera nos armées de la Méditerranée au Rhin, et du Rhin au Danube. L’armée française reçoit la mission de faire sauter cet important bastion.
Le 17 juin 1944, à 1 heure du matin, sept détachements du Bataillon de Choc et des commandos d’Afrique accostent par surprise, trois heures avant le corps de bataille de la 9e D.I.C., avec mission de détruire ou de neutraliser, 15 minutes avant le débarquement, les batteries et les organisations côtières de la défense allemande réparties dans toute l’île.
À l’heure prévue, l’attaque des Chocs se déclenche partout : quatre batteries sont détruites et neutralisées. L’attaque et la destruction de la batterie d’Enfola comptera parmi les plus beaux faits d’armes de la Seconde Guerre mondiale. Le commandant allemand du secteur de Marina di Campo est capturé dans son lit, à son P.C.
Ces actions préliminaires réalisées, la 9e D.I.C. débarque de vive force sur la plage de Marina di Campo dans des conditions difficiles, car des batteries allemandes installées sur la dorsale non décelées par nos 2e bureaux se révèlent. Et les forces ennemies, estimées à 1.500 hommes, en comptent 2.700.
Des combats furieux s’engagent contre un ennemi qui a pour mission de « résister jusqu’au dernier homme et jusqu’à la dernière cartouche ». Les pertes sont lourdes dans les champs de mines de la plage. À 16 heures seulement nous sommes maîtres de la tête de pont.
Mais le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes agit aux arrières de la défense allemande qui se désorganise, permettant l’exploitation du succès : le 13e Régiment de Sénégalais à gauche, le 4e régiment de Sénégalais au centre, les Tabors marocains et les commandos à droite se ruent à l’intérieur de l’île. À la nuit, la côte Nord est atteinte et la moitié occidentale est conquise. Sans relâche, le 101e Régiment de Génie prépare les débouchés du lendemain.
Le 18, la progression reprend vers la côte est, appuyée par notre artillerie, nos avions, l’artillerie navale et la D.C.A. À 5 heures la « villa Napoléon » est reprise. Au Nord, Porto Ferrario tombe à 14 heures. Au Sud, Chocs et commandos atteignent Porto Longone. À la nuit, l’île est virtuellement conquise, en cet anniversaire de l’appel du général de Gaulle.
Le 19 Porto Longone capitule. À l’issue de la bataille, le général américain Maitland Wilson adresse au général de Lattre le télégramme suivant : « Voilà encore une preuve de plus de la capacité qu’ont nos forces et nos nations réunies de marcher ensemble épaule contre épaule vers la victoire. »
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 206, mai-juin-juillet 1974.