Les plus belles moustaches de la brigade
(Souvenirs d’il y a 10 ans)
C’étaient les plus belles moustaches de la brigade, de vraies moustaches de Gaulois, d’un blond un peu fade avec des reflets roux, poils bien fournis. Il les caressait voluptueusement à pleines mains, en les ramenant vers le bas. Tous les anciens de Syrie et du Western-Desert l’auront reconnu, l’artilleur des « Jock Columns », Charles Bricogne, défini dans le code omoplate par son système pileux facial. Raconter ses exploits c’est raconter la vie de la 1re brigade française libre en Libye 1942.
Né en 1913, Charles Bricogne, l’aîné de dix enfants, eut une jeunesse heureuse dans une famille où l’honneur n’est pas un vain mot. Élevé dans une religion stricte et douce, il fut un brillant élève des Jésuites, puis entra à Polytechnique. À l’École d’artillerie de Fontainebleau, sans grands efforts, il se classe major de sa promotion. Affecté en 1936 au volant de Lunéville, il monte en course, culbute avec sa monture tout en préparant activement son unité en vue des combats qu’il sent proches.
1940 – Au cours de la retraite de sa division vers la Manche, sa batterie démolit un nombre impressionnant de chars ennemis, avant de se rendre, acculée à la mer, les coffres vides, à Saint-Valéry-en-Caux. Fait prisonnier, il « récupère » pendant deux ou trois jours, se rend compte que ce n’est pas une situation et s’évade. L’atmosphère de Vichy, où il est affecté, lui est vite insupportable. Il obtient de servir en Syrie, aux escadrons Tcherkesses du colonel Collet où il retrouve de nombreux artilleurs. Il y retrouve aussi la liberté, l’espace, l’action et la possibilité de venger son frère cadet, jeune officier de cavalerie, tué au combat.
En mai 1941, il emmène son escadron au complet en Palestine, quand Collet passe à la « Dissidence ».
À Damas, il est chargé, par le commandant Laurent-Champrosay, de former le 2e groupe du 1er régiment d’artillerie des Forces françaises libres. La 3e batterie qui a participé aux opérations de Syrie et la 4e, constituée à partir d’une colonne de ravitaillement, sont, avec l’état-major du groupe, à base de Malgaches.
Une nouvelle C.R., de Cambodgiens cette fois-ci, complète le groupe. L’encadrement est un mélange de coloniaux et de métropolitains où les nouveaux aspirants, rapidement instruits à Damas ou venant d’Angleterre via Brazzaville, donnent un tonus très « potache ». Le tout est assez disparate. En quelques semaines, Bricogne en fera une unité dont l’esprit demeurera vivant tout au long des combats de la 1re D.F.L.
Pendant l’automne 1941, le groupe est durement entraîné. Il part en école à feu. Chaque semaine, avec ses 155 courts Schneider et les 75 des sections antichars, il sillonne les environs de Damas.
Décembre 1941 – Le groupe est désigné, avec le 1er, pour appuyer la 1re brigade. Au dernier moment, les 155, trop lourds, sont abandonnés ; chaque batterie est équipée de six 75 sur pneumatique. Les véhicules français sont remplacés par des véhicules d’origine américaine, les tracteurs seront touchés au Caire où les canons sont amenés par le train.
Décembre 1941 – Le groupe est désigné, avec le 1er, pour appuyer la 1re brigade. Au dernier moment, les 155, trop lourds, sont abandonnés ; chaque batterie est équipée de six 75 sur pneumatique. Les véhicules français sont remplacés par des véhicules d’origine américaine, les tracteurs seront touchés au Caire où les canons sont amenés par le train.
Janvier 1942 – Le groupe roule à vive allure vers la Libye, semant quelques véhicules en Palestine, en Égypte – véhicules qui rejoindront pour les étapes finales après le regroupement à El-Daba.
Halfaya. Seule la 4e batterie reste à la disposition de Bricogne en appui du B.M. 2, le long de la côte, à l’Est, dominée par la falaise. Elle se fait remarquer par un tir tardif sur l’ennemi qui s’est déjà rendu et que les Sud-africains rassemblent. Puis c’est la marche harassante vers l’Ouest, dans le vent de sable, El Adem, Acroma, T’Mimi, Mechili.
Au stationnement d’Acroma, ordres, contre-ordres. Tard dans la nuit, Bricogne envoie son fidèle planton Leta (1) porter des ordres définitifs pour le mouvement du lendemain au capitaine Faure, dont la compagnie (B.M.2) fait route avec le groupe. Quelques quinze jours plus tard, à l’Alem Hamza, après la retraite de Mechili, Faure voit un Malgache lui tendre, avec un large sourire, un papier, de la part du capitaine Bricogne. Des coordonnées et des heures de passage. Le Marsouin est perplexe, pourtant il n’est pas question de déplacement pour la brigade qui vient juste de s’installer sur la ligne de défense de la VIIIe armée, à gauche de la brigade polonaise. Coups de téléphone. L’énigme n’est pas résolue immédiatement… Leta, perdu dans la nuit à Acroma, avait été ramassé le lendemain, par des Britanniques, du côté de Tobrouk. Après s’être assurés qu’il n’était pas un espion, ces derniers l’avaient fait suivre, tranquillement, sur la brigade et il exécutait fidèlement sa mission, avec 15 jours de retard.
Bricogne est des premières « Jock Columns » (2) où tour à tour il entraîne toutes les batteries du régiment. Vite il en devient l’artilleur indispensable, celui à qui le fantassin, quelle que soit la couleur du calot ou du béret, confie la moitié du bataillon engagé, voire même tout le bataillon. Les spahis, Amilakvari et ses légionnaires l’adoptent comme l’un des leurs. Il est aussi à l’aise avec les noirs du bataillon de l’Oubangui, les blancs du B.I.M., les Nord-africains de Lequesne ou du génie qu’avec les Tahitiens du colonel Broche.
Gai, jovial, il n’a que des amis. On peut compter sur lui et sur ses canons. Tout le monde sait qu’ils tireront jusqu’au bout. Au cours d’accrochages, faisant suite à des randonnées fantastiques parmi les risques des rencontres d’un ennemi éveillé et puissant, il retrempe avec amour son âme de cavalier. Grâce à la puissance des moteurs, au débit des tubes, il a retrouvé toutes les possibilités de la cavalerie napoléonienne. Moderne Lasalle, il ose à en être déraisonnable. Et suivant la parole du houzard, la mort qui le fauchera à moins de 30 ans, l’empêchera d’être un jean-foutre… L’eût-il été ?
… Depuis quelques jours, la « Jock Column » Bricogne : la moitié de la compagnie lourde du 3e B.L.E. avec le lieutenant Sartin, une section de la 4e batterie avec son capitaine, un Bigor à lunettes, et le lieutenant de Rancelin (charmant poète agrégatif de philosophie, rescapé de Dunkerque).
Deux camions D.C.A. des fusiliers marins sont en appui d’automitrailleuses britanniques dans le secteur sud-ouest de Rotonda-Signali : dès l’aube chantante, elle est déjà en position dans le bled, ayant quitté le « lager » à la nuit. Du sommet d’un piton, Bricogne, le Bigor à lunettes et un jeune officier britannique (ils sont tous très jeunes) surveillent le Trigh Enven Bey, piste qui, à 13 kilomètres au Nord, rejoint Rotonda-Signali à Mechili. Les déplacements des véhicules ennemis, définis par les nuages de poussière qu’ils soulèvent, sont soigneusement comptés. Le terrain très découvert ne permet pas d’avancer les canons.
Le 22 avril, notre dispositif est déplacé légèrement vers l’Est à 4 ou 5 kilomètres du stationnement habituel. La journée s’avance. Les yeux lassés par le soleil pensent au « lager », carré formé la nuit par les véhicules et les pièces et où, à l’exception des sentinelles, tout le monde dort profondément pendant que des patrouilles de biffins exécutent des coups de mains profonds chez l’ennemi. Le soleil décline fort vers l’Ouest, la journée a été calme. La radio des A.M. n’a annoncé que des mouvements normaux en face. Bricogne s’ennuie …
« Il faudrait quand même savoir ce qu’ils veulent ». Après avoir averti les officiers britanniques, il fonce avec sa voiture radio vers l’avant. Pendant quelque temps, la poussière permet de suivre la petite camionnette Dodge, puis une ondulation la cache et le mirage efface tout. Au bout d’une trentaine de minutes, la radio annonce : « Je rentre, préparez-vous à tirer – Off » (3). Les pièces sont alertées. Les jumelles scrutent l’horizon. Brusquement, à 2 kilomètres au Nord-Est, la petite voiture surgit, se déplaçant rapidement vers l’Ouest, suivie de près par deux automitrailleuses italiennes et, à quelque distance, deux chars légers et un véhicule porteur d’un canon de 20. Sous le feu des mitrailleuses ennemies, le Dodge file vers l’Ouest. Nos 75 tirent en vain sur les véhicules poursuivants. Ceux-ci défilent trop rapidement devant. Aux pièces, lieutenant et canonniers comprennent difficilement les commandements : les canons qui ont commencé à tirer au Nord-Est tirent peu après plein Ouest.
Le Dodge disparaît bientôt dans le soleil, suivi des autres véhicules. L’observatoire continue à scruter tout l’horizon. Au bout de quelques minutes, la camionnette est signalée sur nos arrières.
Bricogne en descend peu après, souriant : « Ils ont failli nous avoir, hein Canale ? ». Sur la réponse hésitante de ce dernier, Bricogne lui explique la signification des traînées lumineuses qui allaient se perdre en avant de la voiture, soulevant à chaque fois un peu de poussière du sol.
À l’Ouest, le soleil couchant, dans un dernier mirage, efface tous les détails.
Brusquement, le brigadier de tir malgache, au nom symbolique de tirailleur, frappe l’épaule de son capitaine absorbé à la binoculaire : « Là, Mon Capitaine ». Le teint soudain éclairci, la voix coupée par l’émotion, il montre l’Est : une douzaine d’automitrailleuses et de chars – de gros cette fois-ci – quelques camions transport de troupe sont arrêtés à moins de 2 kilomètres. Aucun doute, ce ne sont pas des Britanniques. La section tourne à nouveau ses pièces et un peu ahurie commence un tir précipité dont le réglage est difficile. Bricogne, en train de se restaurer, sommaire menu, plaisante son subordonné, et critique amicalement la faiblesse de sa vue tout en lui conseillant de ménager les munitions. Il ne peut pas croire à la présence de Mark III. Quelques projectiles ennemis arrivant au voisinage de notre position le décident à monter dare-dare à l’observatoire. Un coup d’œil dans ses jumelles : « Mais il y a des Mark IV mon vieux, ces vieilles connaissances ». Et tout en feignant d’en être enchanté, il réfléchit un instant, pendant que les pièces continuent à tirer, et donne ses ordres ; « Sartin, va t’établir à 1 kilomètre en arrière pour soutenir par le tir de tes deux 75 le décrochage de la section de Ranvelin qui, installée à nouveau à 3 ou 4 kilomètres au Sud permettra à son tour ton décrochage. Vite, toi, n’oublie pas les fusiliers marins, je partirai avec les légionnaires ».
Une minute à peine après le premier obus des légionnaires, la section démarre, au passage les deux pièces de D.C.A. des pompons rouges sont ramenées, et à 40 kilomètres à l’heure, au milieu des cailloux et des touffes d’herbe, les voitures partent plein Sud : en tête le 3 tonnes Dodge aux munitions, les deux voitures des fusiliers marins constitueront les ailes, au centre les deux tracteurs avec les pièces qui font des bonds impressionnants, en serre-file la voiture radio avec le capitaine qui commande aux gestes, le buste émergeant du toit ouvert de la cabine. Les compteurs tournent : un mille, deux milles. Brusque arrivée de quatre coups de 75 à 100 mètres en arrière. « Accélérez ». Ce n’est pas le moment de chercher une position. Quatre nouveaux coups en plein convoi. Un tracteur disparaît complètement dans la poussière. Il continue. Bon, aucun mal. Les salves s’espacent et restent nettement en arrière. Un tracteur s’arrête pour rechercher un accessoire du canon qui est perdu. « Demain ». Pas de temps à perdre.
Au loin, à l’Ouest, trois ou quatre traînées de poussière se déplacent vers le Sud. Sartin ayant réussi à décrocher, ou l’ennemi de tout à l’heure ?
Au compteur, trois milles depuis le départ. Ralentissement. Le terrain, absolument plat, se prête mal à une mise en batterie. Quatre arrivées à 200 mètres en arrière facilitent la décision. En avant, plein Sud. Enfin, à 8 kilomètres de la première position, les pièces sont arrêtées et rapidement mises en batterie. Les traînées de poussière de l’Ouest se rapprochent : « capitaine Bricogne », assure tirailleur. Sa vue d’aigle ne le trompe jamais. Les autres Malgaches sont aussi affirmatifs. Poussières dans le Nord, l’ennemi suit. L’obscurité se précise. Bricogne arrive avec les légionnaires.
«Tout le monde est-il là ? » – « Oui » – « Avec moi aussi ». Sourires. « Sartin, va t’établir à 2 kilomètres en arrière pendant que Ranvelin engagera au besoin le combat. Mais d’un emplacement meilleur, recule donc un peu les pièces ». À peine réinstallé à 200 mètres, quatre obus tombent sur la position que nous venons de quitter. Pas de doute, « ils accrochent ». La nuit arrivant, Bricogne décide de rejoindre le gros de la colonne.
Les automitrailleuses britanniques, qui s’étaient prudemment éclipsées dès le début de l’action, réapparaissent et nous accompagnent (4), leurs autres pelotons signalent une grosse activité chez l’ennemi.
Nous traversons à la nuit la 1re batterie en position au milieu du 3e B.L.E. et, nous nous sentons en sécurité. Les légionnaires – le colonel Amilakvari le premier – ne veulent croire ni Bricogne ni Sartin. « Question de mirage, Mon Cher. On sait qu’il transforme les touffes d’herbe en chars. Un whisky remettra vos idées d’aplomb ».
Cependant, la radio fonctionne ferme toute la nuit. Le lendemain, de bonne heure, les chasseurs britanniques firent une reconnaissance approfondie. Une sortie massive de chars allemands était confirmée et la ligne de surveillance des A.M. alliées fut repliée de 25 kilomètres vers l’Ouest.
Le surlendemain, nous reprenions notre guet à 10 kilomètres à l’Est de Rotonda-Signali, en appui de Sud-africains cette fois-ci. Pour se faire comprendre de leurs officiers afrikanders, Bricogne leur parlait allemand. Ce qui n’était pas sans inquiéter les Britanniques.
Tout en menant cette vie aventureuse et excitante, Bricogne continue la formation morale de son groupe. Les ordres sont toujours donnés calmement, sans élever la voix.
Les réprimandes méritées sont fermes, elles alternent avec les encouragements chaleureux. Il sait tirer le maximum d’individus bien souvent quelconques. Beaucoup lui sauront gré de les avoir – pour un temps – sorti de leur médiocrité. Pour tous, il est un chef obéi, respecté, aimé ; il humanise la guerre et la rend belle.
26 mai – Les deux batteries du régiment « de quinzaine » – avec le B.M.2 – devant Rotonda-Signali, se replient devant l’Afrika-Korps enfin sorti, en masse, de ses retranchements.
27 mai – Les vingt-quatre 75 du régiment prennent une part prépondérante, avec les canons antichars de l’infanterie et les mines, à la déconfiture de la division blindée « Ariète ». Les deux batteries du groupe Bricogne tirent à vue sur les chars les plus aventurés.
Le soir, le capitaine qui est maintenant l’adjoint du commandant Laurent-Champrosay, et commandant en second du régiment, fait prendre les dispositions judicieuses en vue des attaques futures. Les quatre batteries du régiment et leurs sections détachées sont directement commandées du P.C. Pièces, observatoires, centraux téléphoniques s’enterrent profondément.
Assez rapidement, Rommel prend lui-même l’affaire en main. Mais dès l’aube, nos canons, de leur aboiement, réveillent la brigade. Ils tirent encore tard dans la nuit. Pendant les longues heures ensoleillées, les observateurs surveillent, exécutent des tirs, rendent compte au P.C. installé dans un camion.
Là, Laurent-Champrosay et Bricogne actionnent le téléphone, la radio, commandent les tirs, font exécuter les ultimes ravitaillements en obus et renseignent le général. L’ennemi resserre son étreinte, entame la position, bloque un observatoire. Les Stuka, qui multiplient leurs plongées et la contrebatterie, de plus en plus lourde, deviennent meurtriers. Plusieurs 75 sont écrasés par l’artillerie lourde allemande qui dispose d’excellentes vues. La 3e batterie perd son lieutenant de tir, les trois autres batteries chacune un chef de section, les chefs de pièces disparaissent. Le médecin lieutenant du régiment fait merveille pour ses évacuations audacieuses. Nos pièces continuent de répondre, hélas de plus en plus chichement, les munitions se font rares, comme l’eau. Dès qu’il le peut, Bricogne s’échappe du P.C. pour aller voir les pièces, en tâter le moral, réconforter noirs et blancs. Le soir, en particulier, de son pas allongé et rapide, moustache et chèche au vent, il fait le tour des observatoires dont l’accès est impossible pendant la journée. Sa présence, son optimisme calment et ragaillardissent tout le monde. Un doigt de whisky ou un fond de bidon de gin précieusement gardés et religieusement distribués rétablissent la bonne humeur et font oublier la pénurie de munitions, les pertes et l’éloignement progressif des Britanniques. Le moral reste excellent.
Le 10 juin au soir, tard dans la nuit, le régiment regroupe les quelques véhicules et les canons restant pour la sortie de vive force. Il doit traverser les lignes de l’Afrika-Korps, sans tirer, en sauvant le maximum de matériel. Bricogne parcourt la colonne, tout est en ordre.
L’infanterie a déjà commencé sa progression après le déminage du génie. Après l’inévitable « chacun pour soi et Dieu pour tous » et les dernières poignées de main, sous le feu d’artifice des fusées-signaux lancées par un ennemi trop vite alerté. Le régiment s’ébranle et avance par saccades au milieu des explosions des mines, des incendies des véhicules, des cris des blessés ou des mourants et de la sarabande folle de balles traceuses des armes automatiques allemandes et italiennes.
Bricogne ne peut y tenir, poussé par son démon familier, armé de son pistolet automatique, les poches pleines de grenades, il laisse sa voiture et part dans l’enfer réduire un ou plusieurs nids de mitrailleuses.
Le matin, au petit jour, sa voiture était au rendez-vous derrière les automitrailleuses britanniques, sans lui.
Ce matin-là aussi, le convoi de nos prisonniers blessés s’arrêta un moment quelque part entre Bir-Hakeim et Derna. De camion en camion, de brancard en brancard, une rumeur passe : on enterre un des nôtres, un capitaine, un artilleur à moustache, l’Allemand rend les derniers honneurs.
Pour nous, en Égypte, ce fut un télégramme Croix-Rouge, presque sibyllin, qui nous annonça la mort de notre camarade. Après El Alamein, les recherches furent vaines pour retrouver son corps.
Là-bas, sous quelques pouces de terre, il voit se succéder les pluies orageuses de l’automne, les escargots blancs de l’hiver, la floraison merveilleuse mais rapide des premiers jours du printemps et le soleil éclatant des longs jours d’été. Le vent de sable monotone a vite nivelé le tertre léger, le désert a tout effacé.
Sauf le souvenir chez ceux qui ont vécu ces instants, le groupe de Bricogne sortait de Bir-Hakeim avec le tiers de ses moyens, trois officiers disponibles sur les dix qu’il comptait le 27 mai. Les deux batteries reformées rapidement prirent une part brillante aux opérations d’El Alamein et de Tunisie. Le groupe, reformé et recomplété par la 5e batterie, celle de l’équipée de Djeraboub, participe avec brio aux campagnes d’Italie et de France, y perdant quatre officiers, de nombreux sous-officiers. L’héroïque résistance de ses pièces à Herbsheim et Sarro, en janvier 1945, pendant que ses observateurs renseignent la division jusqu’à l’ultime minute du haut du clocher d’Obensheim, montrent qu’il sut garder la tradition.
Les plus belles moustaches de la brigade, certes, mais aussi un de ses plus grands cœurs, une de ses âmes les plus pures.
(1) Surnommé le Roi Soleil parce que l’État c’est moi.
(2) Nommées ainsi en souvenir du « brigadier » Jock Campbell, héros de la bataille de Sidi-Rezegh, qui avait été promoteur de ces formations caractérisées par leur rapidité ; incomparable animateur des blindés britanniques, mort d’un accident d’automobile en mars 1942.
(3) « Off » fin de conversation dans l’armée britannique.
(4) Elles devaient à tout prix ne pas se faire accrocher : ordres permanents.
(2) Nommées ainsi en souvenir du « brigadier » Jock Campbell, héros de la bataille de Sidi-Rezegh, qui avait été promoteur de ces formations caractérisées par leur rapidité ; incomparable animateur des blindés britanniques, mort d’un accident d’automobile en mars 1942.
(3) « Off » fin de conversation dans l’armée britannique.
(4) Elles devaient à tout prix ne pas se faire accrocher : ordres permanents.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 51, septembre-octobre 1952.