Jacques Bauche, Compagnon de la Libération
L’Association des Français Libres a ressenti douloureusement la mort de Jacques Bauche, membre du Comité directeur national depuis dix-neuf ans, membre de la Commission de la Revue et auteur des éphémérides que nous publions dans chaque numéro de notre Revue.
Les obsèques de Jacques Bauche, Compagnon de la Libération, ont été célébrées le 17 juin à Sury-aux-Bois où il a été inhumé, en présence du général d’armée Jean Simon, chancelier de l’ordre de la Libération, président national de l’A.F.L., de l’amiral Girardon, président de l’Amicale des F.N.F.L., du colonel Robert Guillaumet, président de l’Association de la 1re D.F.L., et de nombreux camarades de la France Libre qui étaient venus témoigner à Mme Jacques Bauche la part qu’ils prennent à son chagrin.
Pour rendre un dernier hommage à la mémoire de notre regretté camarade, la Revue de la France Libre ne peut mieux faire que reproduire l’émouvant éloge funèbre qu’a prononcé le général Simon à l’issue de la cérémonie religieuse, sur le parvis de la petite église de Sury-aux-Bois.
Madame,
La France Libre est la seule communauté humaine à laquelle Jacques Bauche a appartenu à part entière. Il a été toujours et en tout à sa disposition.
En juin 1940, Jacques Bauche est second maître timonier à l’École des chefs de quart à Brest lorsqu’il décide de répondre à l’Appel du général de Gaulle.
À son arrivée, en Grande-Bretagne, les Forces Navales Françaises Libres manquaient d’officiers de marine ; il est promu aspirant et affecté au 1er Bataillon de Fusiliers Marins.
Il participe à toutes les campagnes de la France Libre, et tout d’abord à l’expédition de Dakar et au ralliement du Gabon.
Et c’est ensuite, la très dure campagne d’Érythrée, suivie de la douloureuse campagne de Syrie.
Nommé enseigne de vaisseau de 1re classe et commandant une batterie antiaérienne de 40 Bofor, il est cité à Bir-Hakeim, ayant toujours été pour ses hommes un exemple de courage et de sang-froid. Le 1er juin 1942, au cours d’une patrouille profonde dans la région de Rotonda Signali, il entraîne ses hommes et dirige un feu nourri sur une formation de Messerchmitt 110, qui mitraillaient nos troupes. Quatre avions sont touchés et abattus.
Il se distingue, par ailleurs, en de nombreuses occasions et accomplit avec succès de délicates missions.
Affecté au 1er Régiment de Fusiliers Marins, il est de nouveau cité à l’ordre de la division en Italie pour avoir brillamment participé à tous les combats qui se sont déroulés du 12 mai au 18 juin 1944 entre le Garigliano et Torre Alfina.
Il participe ensuite au débarquement en Provence et à la campagne de France. Il est gravement blessé à Ronchamp par éclat d’obus. En Alsace, au commandement de l’escadron hors rang, et pendant le mois de janvier 1945, il se révèle un des meilleurs artisans des succès du régiment. Il est fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle le 26 septembre 1945 et la citation accompagnant la nomination à l’ordre de la Libération porte :
« Officier de valeur dont le dévouement inaltérable à la cause de la France combattante peut être donné en exemple. »
« Présent en 1940 au 1er Bataillon de Fusiliers Marins dès les débuts de cette unité, a pris part à toutes ses campagnes ».
« Cité à l’ordre de l’Armée en 1942 pour la campagne de Libye, officier en second de l’escadron de chars du 1er R.F.M., s’est distingué en Italie où il a été cité, puis dans le commandement de l’escadron hors rang. »
La paix revenue, Bauche quitte la marine et est versé dans les cadres de réserve de l’armée de mer.
Éprouvant le besoin ardent de se dévouer pour les autres, il entre à l’U.N.R.A.A., organisation internationale dépendant de l’O.N.U. pour les personnes déplacées.
En Allemagne, il dirige une équipe d’une vingtaine de personnes, comprenant des médecins, des spécialistes, des assistantes sociales. Il est responsable de l’assistance à apporter à plus de 3 000 personnes déplacées dans la région de Constance. Il est promu contrôleur de l’UNRAA pour la province de Bâle, puis inspecteur pour le Wurtemberg. Il cesse cette activité en 1948.
Il entre ensuite à la mission américaine en France de l’E.C.A. du plan Marshall. Il est plus particulièrement chargé d’expliquer aux agriculteurs français les avantages et le fonctionnement du plan Marshall en liaison avec l’ambassade des États-Unis. Il accomplit cette mission de propagande et de développement de l’amitié franco-américaine à travers la France jusqu’à la fin de 1951.
Il entre à l’administration du NATO avec la mission de documenter et de conseiller les fonctionnaires internationaux de cette organisation.
Entre temps, il écrit Jean-Marie de l’île de Sein. Livre savoureux, quelquefois cruel, rempli d’anecdotes authentiques.
Il raconte les péripéties d’un jeune garçon de l’île de Sein, qui rallie la France Libre.
Volontaire pour participer à une mission sur les côtes de France, puis embarqué sur les corvettes, qui font les convois de l’Atlantique, le héros de ce récit se retrouve en plein désert au combat dans la position de Bir-Hakeim avec les fusiliers marins de la 1re D.F.L. L’Italie avec les combats du Garigliano, la France avec la libération de Toulon et de Lyon sont ensuite parcourues par les chenilles du char dont Jean-Marie est le responsable.
Les angoisses du combat, les débordements des jours de détente sont décrits avec la maîtrise de quelqu’un qui « y était ». Jean-Marie de l’île de Sein n’est pas un ouvrage totalement autobiographique, car en hommage à ses camarades de la marine, qui s’étaient si durement battus sur les océans Jean-Marie avait fait son apprentissage sur les corvettes avant de rejoindre les fusiliers marins.
Depuis cette époque, s’affermit pour Jacques Bauche une nouvelle vocation, celle de faire connaître les faits d’armes de ses camarades et de servir la cause de la France Libre.
Membre du Comité directeur de l’Association des Français Libres pendant plus de quinze ans, il se dépensa sans compter auprès de mes prédécesseurs : le général Dio, l’amiral La Haye et auprès de moi-même, pour aider nos camarades les plus déshérités.
Intransigeant sur les principes, parfois caustique et ironique, il cachait sous une apparence parfois un peu rude, beaucoup de générosité et de chaleur humaine.
Et, Mon Cher Compagnon, lorsque la maladie vous a atteint, vous avez comme toujours fait front avec courage et continué à travailler jusqu’à la limite de vos forces. Vous resterez pour nous, Mon Cher Compagnon, un grand exemple de courage, de dévouement, de désintéressement, une des plus pures figures de la France Libre à laquelle vous avez tant donné.
Puisse, Madame, le témoignage de ses amis qui sont venus rendre un dernier hommage à votre mari, dans ce petit cimetière de Sury-aux-Bois et l’affection de tous ceux qui sont avec nous par le cœur et la pensée, vous apporter quelque réconfort dans votre grand malheur.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 239, 2e trimestre 1982.