La journée du 18 juin 1940, vue par Elisabeth de Miribel
Dans l’après-midi du 17 juin 1940, le coup de téléphone que j’espérais secrètement m’a convoqué pour le lendemain matin à Seymour place, dans un petit appartement donnant sur Hyde Park dont Jean Laurent avait remis les clés au général de Gaulle. […]
Je me suis retrouvée devant une machine à écrire, alors que je tapais fort mal, et devant des feuilles manuscrites très difficiles à déchiffrer.
J’étais installée dans une chambre, à côté de la salle à manger. Le Général s’est absenté une partie de la matinée. Il est sorti pour déjeuner. Mon vrai travail a commencé vers trois heures. Je m’applique laborieusement à lire un texte finement écrit et surchargé de ratures. Je dois le recopier, au propre, à la machine. Pour gagner du temps, Geoffroy de Courcel m’en dicte des passages. Il emporte, au fur et à mesure, les feuillets dactylographiés pour les soumettre au Général. […] Ces mots vont constituer une page d’histoire. Je ne le sais pas encore. Pourtant j’ai l’obscur pressentiment de participer à un événement exceptionnel. Seul Geoffroy de Courcel, qui a suivi, pas à pas, les démarches de la journée peut mesurer la portée de ce message. L’heure passe. Le temps presse. Il sera bientôt six heures du soir. Ma tâche est terminée. Le Général fait appeler un taxi pour se rendre à la B.B.C. avec Courcel. Ils me déposent en chemin devant ma porte, à Brompton square. Il fait encore clair, c’est la fin d’une belle journée. Je monte préparer mon dîner. Pendant ce temps, des paroles irrévocables s’envolent vers la France.
Je n’ai pas entendu l’appel ce soir-là !
Extrait de : Élisabeth de Miribel, La Liberté souffre violence, Plon, 1981.