30 juin 2016 In CNRD 2017 By Administrateur
Un fait nouveau dans le droit des gens
L’auteur
Stanisław Grabski (1871-1949) est un économiste et un homme politique polonais, député de la Diète, proche de la Démocratie nationale, frère de Władysław Grabski (1874-1938), lui aussi économiste et homme politique, devenu premier ministre, et de l’activiste politique Zofia Kirkor-Kiedroniowa (1872-1952).
Issu d’une famille de propriétaires terriens, il organise des cercles socialistes dans sa jeunesse. Membre de l’Union des travailleurs polonais, il déménage à Berlin pour ses études en 1891 et devient rédacteur en chef de la Gazety Robotniczej (la Gazette des travailleurs). Co-fondateur du Parti socialiste polonais en 1892, il s’en détache en 1901 pour le camp national de Roman Dmowski (1864-1939), qui a donné plus tard la Démocratie nationale.
Membre depuis 1905 de la Ligue nationale, dont il devient un des chefs l’année suivante, il appartient à la Démocratie nationale, le parti de Dmowski à partir de 1907. Durant la Grande Guerre, les deux hommes soutiennent l’idée que les Polonais s’allient aux Russes. Plus tard, il rejoint le Komitet Narodowy Polski (Comité national polonais) de Dmowski à Paris.
Député de l’Association nationale populaire à la Diète polonaise (1919-1927), il s’oppose à une alliance avec les nationalistes ukrainiens de Simon Petlioura durant la guerre polono-soviétique (1919-1921) et démissionne de son poste à la commission des Affaires étrangères pour protester contre la signature d’un accord. En 1921, il fait partie de la délégation polonaise aux négociations du traité de Riga.
Ministre des Affaires religieuses et de l’Instruction publique en 1923 et de 1925 à 1926, il est l’auteur de la loi Grabski sur la réglementation de l’éducation des minorités nationales et l’un des négociateurs polonais du Concordat de 1925. Après le coup d’État de mai de Piłsudski en 1926, il se retire de la vie politique, se consacrant à ses activités scientifiques et au journalisme.
Avant 1939, il est professeur à l’Université de Lvov, à l’Académie agricole de Doubliany et à l’Université Jagellon.
Lors de l’invasion de la Pologne, il est arrêté par les Soviétiques et emprisonné, comme nombre d’intellectuels polonais. Après l’invasion allemande de l’Union soviétique, l’accord Sikorski-Maïski (30 juillet 1941) permet sa libération. Rejoignant le gouvernement polonais en exil à Londres, il préside le Conseil national (1942-1944). Partisan des accords de Yalta, il rentre en 1945 en Pologne et siège comme député et l’un des vice-présidents du Conseil national d’État, avant l’élection d’une nouvelle Diète en janvier 1947. Il retourne alors à l’enseignement comme professeur à l’Université de Varsovie.
Le texte
« Un fait nouveau dans le droit des gens. L’article trois de la Charte de l’Atlantique » est un article paru dans le n° 40, volume VII de La France Libre, le 15 février 1944.
Coll. Fondation de la France Libre
Dans ce texte, Stanisław Grabski commente le lien établi, dans l’article trois de la Charte de l’Atlantique, entre le rétablissement de la souveraineté des États occupés ou annexés par les puissances de l’Axe et la reconnaissance du droit des peuples à « choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils désirent vivre ». Il souligne la nouveauté de ce lien dans le droit international, nouveauté qu’il justifie par la nouveauté des systèmes politiques mis en place par les puissances de l’Axe et leur influence sur la politique internationale, sachant, comme il l’a déjà précisé en 1942 dans son article sur « Les principes démocratiques dans les relations internationales », que « les systèmes dictatoriaux » sont « inséparables de guerres d’agression et de conquêtes », qu’ils suscitent des trahisons parmi leurs voisins et qu’ils ont un caractère contagieux.
Dans l’esprit de l’auteur, le principe du libre choix de son gouvernement « comporte l’exclusion des dictatures ». La mission des puissances alliées qui occuperont le territoire des forces de l’Axe est donc « d’assurer le passage correct au régime de liberté ». Toutefois, en raison de « l’esprit de conquête et de domination permanent » qu’il suppose au peuple allemand, l’application de ce principe implique, selon lui, d’établir « un système de défense internationale commune des démocraties contre les dictatures ».
Le droit des gens, du latin « jus gentium », est également appelé « droit des nations » ou « droit international ». Il régit les rapports des États et peuples entre eux.
Le général Hans von Seeckt (1866-1936) est le commandant de l’armée allemande de 1920 à 1926. À ce poste, il refait de la Reichswehr une force indépendante du pouvoir civil, la transforme de manière à pouvoir reconstituer l’armée impériale, d’un haut niveau technique, avec un matériel moderne et une doctrine opérationnelle offensive. Devant l’impossibilité de stocker en Allemagne un armement lourd, interdit par le traité de Versailles, il fait fabriquer des prototypes à l’étranger, l’industrie allemande s’équipant après 1923 pour les produire en série, le moment venu. Pour contourner la limitation à 100 000 hommes de la Reichswehr, la formation des cadres passe par l’organisation de stages à l’étranger, en particulier auprès de l’Armée Rouge en Union soviétique, d’officiers officiellement mis à la retraite. Pour la troupe, des organisations supplétives (police, troupes de couverture de la frontière, associations paramilitaires, etc.) reçoivent des rudiments militaires.
Le contexte
Dans la foulée de la Charte de l’Atlantique, déclaration solennelle de Winston Churchill et Franklin Roosevelt faite le 14 août 1941, suite à la conférence de l’Atlantique, qui a réuni les deux hommes à bord de l’USS Augusta, au large de Terre-Neuve, du 9 au 12 août 1941, une série de conférences interalliées, réunissant les Trois Grands, élargis parfois à une quatrième puissance, ou l’ensemble des Alliés, sont organisées non seulement pour discuter des opérations militaires, mais aussi pour préparer l’après-guerre. Les discussions préparent notamment l’Organisation des Nations unies.
Le 1er janvier 1942, 26 États en lutte contre l’Axe signent à Washington la Déclaration des Nations unies, proclamant leur adhésion à la Charte de l’Atlantique. Les 26 premiers signataires sont : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union soviétique, la Chine, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Costa-Rica, Cuba, la Grèce, le Guatemala, Haïti, le Honduras, l’Inde, le Luxembourg, le Nicaragua, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Panama, les Pays-Bas, la Pologne, la République dominicaine, le Salvador, la Tchécoslovaquie, l’Union Sud-Africaine et la Yougoslavie.
Roosevelt s’étant opposé à ce que le Comité national français signe au même titre que les autres gouvernements, il est décidé, sur proposition de Churchill, d’offrir aux « autorités appropriées » n’étant pas des gouvernements la possibilité d’adhérer à la Déclaration. Plusieurs comités déclarant représenter leur pays utilisèrent cette possibilité. De son côté, de Gaulle s’y refusa, entendant être traité sur le même pied que les co-belligérants. Il déclina une seconde offre de compromis, faite au Comité national français en septembre 1943. C’est uniquement après la reconnaissance du Gouvernement provisoire de la République française par les Alliés que la France signa la déclaration, le 1er janvier 1945, ce qui lui permit de participer à la conférence de San Francisco pour la rédaction finale de la Charte des Nations unies.
Le 1er novembre 1943, lors de la troisième conférence de Moscou (18 octobre-11 novembre 1943), la Chine, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union soviétique publient une déclaration signée la veille par leurs représentants – Foo Ping Shen, ambassadeur de Chine en URSS, Cordell Hull, Anthony Eden et Vyacheslav Molotov – dans laquelle ils « reconnaissent la nécessité d’établir aussitôt que possible, en vue de la paix et de la sécurité internationales, une organisation internationale fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous les États pacifiques et ouverte à tous les États, grands et petits » (article 4).
Cet objectif est réaffirmé le 1er décembre 1943 par Churchill, Roosevelt et Staline lors de la conférence de Téhéran (28 novembre-1er décembre 1943).
La conférence de Dumbarton Oaks (21 août-7 octobre 1944), du nom de l’hôtel particulier de Washington qui l’abrite, permet aux représentants de la Chine, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union soviétique de s’accorder sur les objectifs, la structure et le fonctionnement de cette organisation internationale. Celle-ci comprend quatre organe principaux : une Assemblée générale, un Conseil de sécurité de 11 membres, dont cinq permanents et six élus par l’Assemblée générale, un Conseil économique et social, enfin, une Cour internationale de justice, ainsi qu’un secrétariat. La responsabilité d’empêcher le retour de la guerre incombe au Conseil de sécurité, les États membres mettant à sa disposition des forces armées. Ce projet est soumis à l’examen des gouvernements des Nations Unies et des opinions publiques.
Lors de la conférence de Yalta (4-11 février 1945), les Trois Grands s’entendent sur la procédure de vote au sein du Conseil de sécurité. Dans la déclaration publiée le 11 février 1945, ils annoncent : « Nous sommes résolus à créer avec nos alliés, aussitôt que possible, une organisation générale internationale pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité. […] Nous avons convenu de convoquer le 25 avril 1945, à San-Francisco, une Conférence des Nations Unies, qui établira, sur la base des entretiens officieux de Dumbarton Oaks, la Charte de l’Organisation dont il s’agit ».