La répression des Français libres par contumace
Les condamnations par contumace
Dès l’été 1940, le général de Gaulle et ceux qui le suivent dans le refus de l’armistice font l’objet de condamnations par contumace de la part de la justice française.
Après son appel à la poursuite du combat lancé le 18 juin 1940 à la radio de Londres, le général de Gaulle est dégradé le 22 juin suivant et mis à la retraite d’office, par mesure de discipline, par décret du 23 juin 1940, avant d’être condamné le 4 juillet à quatre ans d’emprisonnement et cent francs d’amende par le tribunal militaire de la 17e région, à Toulouse, pour “refus d’obéissance et provocation de militaires à la désobéissance”. Mécontent de cette condamnation jugée trop clémente, le gouvernement organise un second procès devant le tribunal militaire de la 13e région, à Clermont-Ferrand, qui prononce contre lui, le 2 août, la peine de mort, la dégradation militaire et la confiscation de ses biens meubles et immeubles pour “trahison, atteinte à la sûreté extérieure de l’État, désertion à l’étranger en temps de guerre, sur un territoire en état de guerre et de siège”.
Par la suite, des peines similaires sont prononcées contre ceux qui ont rallié la France Libre :
– le 10 avril 1941, la cour martiale de Gannat condamne le général Catroux et le chef de bataillon Brosset à la peine de mort et à la confiscation des biens ;
– le 28 mai 1941, le tribunal maritime permanent de Toulon condamne le lieutenant de vaisseau d’Estienne d’Orves à 22 ans de travaux forcés ;
– le 10 juillet 1941, la cour martiale de Gannat condamne le colonel de Larminat à la peine de mort et à la confiscation des biens ;
– le 25 novembre 1941, le tribunal militaire permanent de la 14e division militaire condamne trois officiers du 1er régiment de chasseurs alpins à cinq ans d’emprisonnement, la destitution et la confiscation de leurs biens pour “désertion à l’étranger en temps de guerre” ;
– le 3 décembre 1941, le tribunal militaire permanent d’Oran condamne quatorze officiers, parmi lesquels le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey, les capitaines Kœnig, Amilakvari et de Bollardière, et le lieutenant Saint-Hillier, à la peine de mort, la dégradation militaire et la confiscation des biens pour “désertion à l’étranger en temps de guerre et trahison” ;
– le 11 octobre 1941, la cour martiale de Gannat condamne le capitaine de Hauteclocque – futur maréchal Leclerc – à la peine de mort et “la confiscation au profit de la Nation de tous ses biens présents et à venir”, avec le capitaine Laurent-Champrosay et le capitaine Bouillon ;
– le 14 janvier 1942, le tribunal militaire permanent de Saïgon condamne Louis Bonvin, gouverneur des Indes françaises, et son chef de cabinet Pierre Brunitel à la peine de mort et à la confiscation de leurs biens (l’épouse de Bonvin est condamnée aux travaux forcés à perpétuité) ;
– le 5 février 1942, le même tribunal condamne condamne Henri Sautot, commissaire résident des Nouvelles-Hébrides, et 43 « complices » à la peine de mort par contumace pour “livraison de territoire” à une puissance étrangère, 98 autres à mort “pour complicité” et 13 à vingt ans de travaux forcés, tous à la confiscation de leurs biens — parmi les condamnés à mort, Félix Broche avait déjà été mis en réforme, par mesure disciplinaire, par le gouvernement de Vichy par décret, non promulgué, en date du 3 février 1941 ;
– le 7 avril 1943, le tribunal maritime de Toulon condamne Étienne Schlumberger, aux travaux forcés à perpétuité, à la dégradation militaire et la confiscation des biens pour “désertion à l’étranger et trahison” ;
– le 7 août 1943, le même tribunal condamne Lionel de Marmier à la peine de mort, la dégradation militaire et la confiscation des biens pour trahison (voir « les transports aériens de la France libre et Lionel de Marmier »).
La déchéance de la nationalité française
De même, des Français libres sont déchus par décret de la nationalité française, en application de la loi du 23 juillet 1940 “relative à la déchéance de la nationalité à l’égard des Français qui ont quitté la France” métropolitaine entre le 10 mai et le 30 juin 1940 (parue au Journal officiel du 24 juillet 1940, p. 4569) :
– le 8 décembre 1940, de Gaulle (décret paru dans le Journal officiel du 12 décembre 1940), en même temps que le député Pierre-Olivier Lapie, le général Catroux et le colonel de Larminat ;
– le 2 février 1941, l’amiral Muselier ;
– le 4 mai 1941, René Cassin, Ève Curie et Georges Thierry d’Argenlieu, avec vingt-neuf autres personnalités ;
– le 16 juin 1941, le capitaine de Hauteclocque ;
– le 4 octobre 1941, Louis Bonvin.
Le retrait de décorations
En outre, on leur retire leurs décorations. De cette façon, la fille de Félix Eboué, Ginette, se voit refuser la prolongation d’une année au Lycée pour filles de la Légion d’honneur de Saint-Denis, où elle est pensionnaire, après la condamnation à mort par contumace de son père, le 5 juin 1941.
La répression des familles
La répression frappe également les familles ; la mère et trois sœurs de Claude et Gilbert Renault (alias le colonel Rémy) sont emprisonnées, leurs sœurs May et Isabelle (membres du réseau CND-Castille) et leur frère Philippe déportés. Pour les protéger, plusieurs Français libres s’engagent sous un nom d’emprunt (par exemple, Philippe de Hauteclocque sous le nom de “Leclerc”).
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