Leurs ralliements, par Colette Bécourt-Foch
Le Capo Olmo choisit la France libre
Lors d’une réunion des Compagnons de la Libération, le général Simon a bien voulu nous relater la “croisière” qui l’a conduit en Angleterre avec Pierre Messmer en juin 1940. En 1939, tous deux “marsouins”, ils sont volontaires pour devenir observateurs en avion, et font un stage à la base aérienne de Tours, avec, parmi d’autres, Scamaroni, Roquère, Sainteny. À l’offensive allemande de mai 1940, la base est transférée près de Caen, puis repliée sur Aulnat dans le Puy-de-Dôme, puis sur Toulouse où elle sera dissoute après l’armistice. Ils décident de rejoindre l’Angleterre pour continuer le combat. Sur une motocyclette d’emprunt, ils quittent leur unité encore stationnée à Le Breuil-sur-Couze, non loin d’Aulnat, et se dirigent vers Marseille. Dans le port, un cargo italien de 10.000 tonnes, le Capo Olmo est confisqué depuis l’entrée en guerre de l’Italie, et placé sous les ordres du commandant français Vuillemin, neveu du général d’aviation du même nom. Ils s’y engagent comme matelots. Après l’armistice franco-italien du 24 juin, la marine italienne réclame le bateau; Vuillemin persuade la commission d’armistice de le faire partir en convoi vers l’A.F.N. Avec Messmer et Simon, il décide que le bateau faussera compagnie au convoi en cours de route pour gagner Gibraltar; mais le secret doit être absolu. Ils racolent un équipage de fortune: surtout des Bretons comme Vuillemin, cela facilitera l’obéissance en temps voulu. Le chargement de farine et d’antimoine laisse un certain tonnage à compléter: on entasse à bord des Glenn-Martin en caisses, des munitions, des mitrailleuses. Au moment de l’embarquement, deux garçons hèlent Simon pour partir aussi: ils ont passé l’écrit de Navale, mais il n’y a pas d’oral. Vuillemin les inscrit dans l’équipage comme “élèves officiers”.
Le convoi d’une douzaine de bateaux démarre. À point nommé, le Capo Olmo reste en arrière; un escorteur leur en demande la raison? Vuillemin simule une panne de soupapes: “au moins cinq heures de réparation!” dit-il. L’escorteur fait des huit autour d’eux: comment le semer? Par chance, des sous-marins sont signalés: il doit protéger le convoi, et les quitte en leur criant « Bonne chance! ». Le commandant prend le quart, avec Messmer et Simon, et le chef mécanicien mis dans le coup; le reste de l’équipage ignore tout. Cap sur Gibraltar!
Le lendemain, le commandant harangue l’équipage: “Si vous êtes de vrais Français qui ont du cœur au ventre, vous allez continuer le combat avec nous, en Angleterre!”. Presque tous acquiescent, sauf le commandant en second, qui reçoit ordre d’aller dans sa cabine. Un petit détachement de l’Armée de l’air est à bord; son chef, le lieutenant Vaissière, dit: “Je suis d’accord pour me battre, mais responsable de l’armement; alors débarquons-le d’abord en A. F.N., et je vous rejoindrai”. “Vous ne pourrez plus, vous serez pris dans la glu de l’engrenage!” rétorquent Vuillemin, Messmer et Simon. “On vous donne deux minutes pour vous décider.” Réflexion faite, il répond: “Je marche!” et fera une belle guerre.
À Gibraltar, aucun signal; nul pilote ne vient vers eux, et les Anglais observent, circonspects, ce bateau qui arbore pavillon français, et dont la coque est peinte aux couleurs italiennes. Ils soupçonnent un piège, qui sait? des explosifs pour détruire le port… Voyant qu’il n’en est rien, ils ordonnent aux Français de débarquer, voulant s’approprier le bateau. Vuillemin refuse: la prise de guerre doit être pour de Gaulle. “Mais vous n’avez pas assez d’officiers pour naviguer suivant les conventions d’assurances!” répliquent les Anglais. Vuillemin leur prouve le contraire, grâce aux deux candidats à Navale qui, avec Messmer et Simon, font le nombre. Ils embarquent huit officiers de terre évadés d’Afrique du Nord, dont Mézan, en grande tenue à pantalon rouge, impeccable: il tombera glorieusement en Italie. L’équipage étant réduit, Messmer et Simon les invitent à faire avec eux le travail de matelots de pont; ils acceptent d’enthousiasme.
C’est le départ en convoi de 60 bateaux; il faut beaucoup zigzaguer pour éviter les sous-marins et les avions ennemis qui bombardent. On sort huit mitrailleuses des caisses, mises aussitôt sur pieds et confiées aux huit officiers. Stupéfaction des Anglais qui voient ce bateau marchand accueillir d’un feu nourri les avions qui piquent (1). Mais en réalité, seul le commandant est un marin, les candidats à Navale ignorent la navigation, dont Messmer et Simon ont appris les manœuvres par “formation accélérée” en cinq jours de relâche à Gibraltar. En plus de la navigation et des alertes, il faut aussi repeindre la coque en couleur neutre, par mauvaise mer, accrochés avec des cordes sans rambarde, avec de grands pinceaux du genre râteau, à travers roulis et paquets de mer. Pourrait-on se présenter dans les eaux anglaises maquillés en vert, blanc et rouge?
Arrivés en vue de Liverpool, les Anglais leur disent : “Messieurs les Français, entrez les premiers!” Conscients de l’honneur qui leur est fait, ils n’ont garde de le décliner, mais l’annonce d’un pilote les tire agréablement de perplexité, car Vuillemin ne connaît pas le port. Le pilote, monté à bord, leur apprend qu’il faut attendre la marée; ils emploient ce temps à faire un bon repas, avec les boîtes de conserve et le vin embarqués dans les soutes. Et voilà le pilote glissé sous la table, il faut bien s’en passer. “Cela ira, mes enfants!” dit Vuillemin. En fait, tout va bien! il entre dans le port.
Et voilà comment Vuillemin, Messmer et Simon rallièrent la France Libre. Aucun des trois ne réclama le montant de la “prise de guerre”, soit 240 millions anciens. Le bateau ne fut pas vendu aux Anglais (2), il assura toutes sortes de transports F.F.L. vers l’Afrique. La cargaison, par contre, fut monnayée au profit de la France Libre, et rendit grand service aux usines d’armement alliées. Le commandant Vuillemin navigua pendant toute la guerre. Sorti indemne, il trouvera la mort en 1949 à Madagascar en se portant au secours de Malgaches naufragés.
Si Messmer et Simon ont tu cet exploit, c’est qu’un journaliste, en ayant eu vent, en avait fait du roman, inventant qu’ils avaient “contraint le commandant à changer de cap en le menaçant de leurs parabellums”. Le commandant Vuillemin, outré, les avait soupçonnés d’avoir voulu tirer la gloire à eux; la réconciliation intervint quand Simon, alors en traitement pour une blessure de guerre dans un hôpital du Moyen-Orient, dix-huit mois plus tard, eut connaissance de cette publicité mensongère et lui écrivit qu’ils n’étaient pour rien dans cette littérature. Honneur à Vuillemin, ce héros qui sacrifia sa vie.
Merci à Simon de nous avoir raconté cette épopée, pour Mme Mézan dont le mari n’en est pas revenu. Merci à Messmer d’avoir pris le temps de lire et d’annoter ce récit, qu’il nous permet de publier dans la Revue de la France Libre. Puissent les jeunes y voir la valeur de cette liberté, et la garder dans l’avenir (3).
Extraits des cahiers de Jean Bécourt-Foch
Ce dernier 11 novembre, la clairière de Rethondes vit encore défiler des anciens de 1914-1918, dans le souvenir de leur victoire, devant la statue de leur chef, le maréchal Foch, qui les passe en revue chaque année. Son fils, l’aspirant Germain Foch, son gendre, le capitaine Paul Bécourt, furent tués en 1914 à la bataille de Lorraine. Son petit-fils, Jean Bécourt-Foch, l’un des premiers à rallier la France Libre en juin 1940, est mort pour la France le 15 août 1944, Compagnon de la Libération. Évoquons son souvenir par ces notes de ses cahiers de guerre.
J’ai quitté le 24 juin 1940 la France, où j’étais attaché par une famille dont tous les membres ont pratiqué – souvent jusqu’au sacrifice final – le dévouement à la patrie. J’y laissais une femme et trois petits enfants. J’ai abandonné prisonnière l’armée, où j’étais entré si allègrement en 1932, où j’avais pensé servir toute ma vie. Derrière moi restait la terre de France, l’Alsace, la Bretagne, la Provence, cette belle Île-de-France, toutes les provinces que j’aimais. Je suis sûr du droit et de la justice de mes actions. Que ceux qui ne me comprennent pas réforment leur jugement. L’absence ou la fausseté des raisonnements est un crime dans certaines circonstances de l’existence.
Au moment où je quitte l’Angleterre après deux mois de séjour, je veux exposer les raisons qui m’ont amené à y aller, à y agir, dans le seul but de retrouver un jour la France libre et victorieuse, avec la seule récompense que je désire: la conscience d’être un artisan de cette victoire.
À bord du Pennland, 3 septembre 1940.
À la déclaration de guerre, je servais au 4e Régiment de cuirassiers à Reims. Breveté observateur en avion en 1937, j’étais appelé au Groupe aérien d’observation 552. En 300 heures de vol, j’avais appris le métier d’observateur. La “drôle de guerre” n’apporta pas à la 1re D.L.M. l’occasion de s’employer activement. Le GAO. 552 se promena dans la Wœvre, la région de Valenciennes, l’Aisne, les Flandres. J’accueillis avec plaisir mon envoi dans une école de pilotage en février 1940, avec l’espoir de servir utilement dans une escadrille. En deux mois et demi j’avais mon brevet de pilote. À partir du 10 mai, l’avance allemande interrompit l’instruction. Notre promotion pleine d’ardeur combative fut répartie entre les écoles de Bordeaux et Royan.
Le 17 juin, nous apprîmes par la radio de midi l’aveu par le maréchal Pétain de la défaite, fait essentiellement moral. Pas un de nous qui ne fut profondément abattu. Notre réaction immédiate fut d’éviter d’être faits prisonniers. Parmi les solutions, la meilleure était de gagner un port, où les troupes anglaises rembarqueraient, de partir avec elles. Je dis adieu rapidement à ma femme et à mes enfants, et j’allai au terrain. Trois équipages de Simoun venaient de décoller vers l’Angleterre; parmi eux, les capitaines Soufflet et Gayet, instructeurs, les lieutenants Ezanno et Moizan, des mécaniciens. La réaction du commandement était violente : ils étaient portés déserteurs, traités de « rats qui quittent le navire »… Nous gagnâmes Bordeaux, qui semblait ne pas se douter de ce qui venait de se passer. Le résultat ne nos visites, vague sur les moyens à notre disposition, comportait une certitude : nous avions encore quarante-huit heures. Nous décidâmes de rentrer à Royan.
Le 18 juin l’ambiance à l’école était meilleure. Nous avions des ordres précis: démonter les avions, les embarquer pour le Maroc. On pourrait terminer l’instruction et continuer la lutte. L’après-midi, des Allemands survolèrent la Gironde, l’un d’eux fut abattu. La nuit, des bombes tombèrent sur le Verdon.
Le 19 juin, nous devions partir pour Perpignan, nous embarquer à Port-Vendres pour l’Algérie. Ce projet bizarre faisait traverser une mer fermée, où l’ennemi possédait une solide marine, alors que le passage de Bordeaux au Maroc ne semblait pas compliqué, les franco-britanniques maîtres de l’Atlantique. Le sentiment de la reddition ordonnée par en haut commença à percer. Je décollai de Royan; à Francazal l’indécision continuait. Ordre de paralysie : «attendre sur place». De gros avions: Amyot 352, Bloch 170, Caproni, emportaient des équipages vers Oran. Des camarades de la chasse tentaient de passer en Dewoitine 520. L’École reçut l’ordre de se rendre à Albi-Callac, à 10 kilomètres d’une ville sans ressources, loin des nouvelles, sans moyens de communication. Si les Allemands occupaient tout le territoire, nous étions pris au piège, sans avoir combattu.
Le 20 juin, il fallait enfin sortir des chemins légaux, et prendre la seule voie logique: partir en Angleterre. Churchill venait de dire que la Grande-Bretagne restait seule en face de l’adversaire puissant, qui voulait détruire notre nation, notre liberté, nos biens. Elle était fière de sa tâche, quelque dure qu’elle puisse être. Ce langage noble était réconfortant dans l’ambiance de lâcheté et d’abandon. Le général de Gaulle avait parlé à la B.B.C., rappelé à l’ordre par le gouvernement Pétain. Je ne l’avais pas entendu, mais je compris que l’Angleterre réclamait des volontaires dans sa lutte pour le droit et la liberté. Si l’Empire français maintenait le combat, d’Angleterre je pourrais me rendre vers un des nouveaux champs de bataille, être enfin utile. Je n’avais pas de commandement, donc pas de responsabilités envers des subordonnés. L’École ne fonctionnait plus. En prenant ma liberté, je n’engageais que moi-même, je pouvais raisonner sur des bases essentiellement personnelles. Un chef qui capitule n’a plus droit à l’obéissance de ses hommes. Il était de mon devoir de mettre cette liberté au service de mon pays.
Je laissai donc l’École; d’ailleurs mon avion avait été affecté à un autre pilote: l’on dut vite se douter de mes intentions. Je commençai une équipée qui allait m’amener en Angleterre.
À Toulouse je retrouvai le lieutenant de Bizemont, moniteur de pilotage; nous prîmes la direction de Bayonne, où la colonie anglaise et l’attaché de l’air britannique s’embarquaient. Par Tarbes et Pau, nous arrivâmes le 21. La ville était dans une agitation intense. Sur les quais de l’Adour, deux transports chargeaient. Nous allâmes au consulat britannique, où officiellement on ne nous reçut pas, mais où nous apprîmes qu’à Saint-Jean-de-Luz une agence officieuse fonctionnait; nous l’atteignîmes vers 5 heures et demi. À l’adresse indiquée, personne. Devant la porte, une foule grouillante; parmi elle, des officiers blessés, beaucoup de jeunes gens, candidats à Saint-Cyr, à Polytechnique, à l’École de l’Air, dont les concours venaient d’avoir lieu à Bordeaux; des hommes en civil d’âge variable; des réfugiés politiques.
Sur la jetée, un commandant d’aviation semble flâner. Il a l’air sombre, parle rapidement d’une manière bourrue.
C’est Marmier. Il commandait un groupe de Chasse polonais qu’il est venu embarquer. Il a organisé avec l’aide du commandant Cazalis, commandant le front de mer, l’évacuation de toute l’armée polonaise, avec laquelle de nombreux Français ont pu se glisser.
Le 22, nous apprenons l’abominable scène qui venait de se dérouler à Rethondes, insulte inoubliable à notre patrie, à tous ceux qui avaient travaillé, lutté, souffert et donné leur vie pour qu’elle vive dans l’honneur. Il y a des actes qu’aucune nécessité ne justifie; nous avions été vendus! En cette après-midi du 22 juin, j’avais honte de mon pays et de l’uniforme que je portais. À cette amertume s’ajoutait la blessure sentimentale de la violation d’un de mes plus heureux souvenirs de famille. C’était à cette victoire du 11 Novembre 1918, acquise par l’énergie d’un Foch, qu’Hitler s’attaquait directement. Jamais le vainqueur de 1918 n’avait parlé d’abandonner un allié, de livrer le territoire, et cela malgré un Pétain. La clairière de Rethondes, j’y étais venu en 1927 avec mon grand-père; on venait d’y transporter ce même wagon qui servit aux représailles morales de Hitler. De Reims, chaque fois que je survolais l’Aisne, ou la forêt de Compiègne, d’eux-mêmes mes pilotes m’emmenaient au-dessus de la tache jaune au milieu de laquelle était écrit: « Ici a sombré l’orgueil de l’Empire allemand, vaincu par les peuples libres qu’il voulait asservir. »
Cette épitaphe, qu’Hitler pouvait maintenant détruire (4), n’était-elle pas un symbole du but de la lutte, dont le premier acte était néfaste pour nous, mais qui était loin d’être terminée? Désormais, il m’était impossible de rester en France. Le mot prétentieux, mais énergique des soldats de la Révolution me sembla le modèle du moment : il fallait vaincre ou périr. Vivoter dans une oisive légalité était une lâcheté. Je décidai de gagner l’Angleterre le lendemain, quel que soit le moyen.
Le dimanche 23 juin, la foule est toujours aussi dense sur le quai. Des Anglais embarquent calmement, sous la surveillance d’un commissaire de police et de l’attaché militaire britannique. Je me heurte à un refus glacial du major, qui me demande un certificat de congé régulier de l’armée française. Fort heureusement, un détachement polonais est rangé en ordre; un général le commande. Je me présente, lui rappelle que je suis petit-fils d’un maréchal de Pologne, lui expose mon intention. En trois mots, il a compris, sourit. Il faut cacher mon uniforme; j’achète le béret basque d’un promeneur, y attache l’Aigle Blanche, remonte mon cuir et cache la casquette bleue galonnée dans ma valise. Deux heures se passent sous la pluie – enfin un grand courant nous entraîne, nous passons rapidement devant le commissaire de police français, qui fourre le nez dans une liste fausse, et nous nous retrouvons au fond d’un petit chalutier basque. Nous décollons. Des Français nous saluent d’un « Vive la France, vive la Pologne », que nous reprenons tous. Le canot s’éloigne, quitte le port, traverse la baie, sort de la jetée et accoste par une forte houle à la coupée d’un paquebot gris: c’est l’Ettrick, de Londres, transport de troupes de 12.000 tonnes. Nous entrons en Grande-Bretagne.
Nous suivons la file des Polonais. Beaucoup de civils anglais quittent la France .. Nous retrouvons le personnel du consulat, qui nous reconnaît et nous reçoit avec de joyeuses félicitations. Quelques types dans des demi-tenues militaires rasent les murs: soldats français évadés comme nous, discrets avant l’appareillage. Le 23 et le 24, en rade, la bateau se remplit, comme l’Arunda Star. Des navires de guerre arrivent, un croiseur et deux torpilleurs britanniques, qui nous escorteront. Plusieurs fois des vedettes françaises ou britanniques accostent à la coupée, débarquent une patrouille armée; nous nous cachons. Enfin le lundi vers 19 heures, le convoi appareille. Nous voyons partir le port de Socoa, où flotte encore le pavillon tricolore. Puis l’Espagne succède à la France, et nous nous éloignons dans une mer sombre et houleuse.
Tout danger de reprise écarté, les militaires français commencent à apparaître: une vingtaine d’officiers de toutes armes. De l’aviation, le commandant de Marmier, quatre officiers. L’infanterie et l’artillerie comptent quelques membres. En outre, 12 jeunes pilotes de l’École de chasse d’Étampes; ils ont quitté leur base en avion, se sont posés à Pau, ont rejoint Saint-Jean-de-Luz et représentent l’esprit modèle des Français invaincus. Une cinquantaine de jeunes volontaires abandonnant la France après avoir concouru pour une grande école. Leurs projets d’avenir s’effondraient. Ils ont réagi noblement.
Le 26 nous apercevront les îles Scilly, puis la côte de Cornouailles, et l’Ettrick mouille à Plymouth. Derrière la jetée, des bateaux de guerre français: nous sommes heureux de savoir que d’autres comprennent leur devoir de la même façon que nous. Le débarquement commence le lendemain matin 27 nous prenons aussitôt le train pour Birkenhead.
Dix jours venaient de se passer depuis le discours de Pétain, évocateur de la défaite. l’armistice avait été signé le 24. La France voyait occuper les trois quarts de son territoire. La côte Atlantique était sous le contrôle direct des Huns. La marine devait être désarmée; l’aviation interdite de vol, son matériel stocké et remis sous contrôle. Les colonies devaient cesser la lutte. La France devait faciliter la guerre contre l’Angleterre. C’était cela, les Conditions de la “fin de la lutte dans l’honneur.”
Nous accueillîmes ces nouvelles avec dédain. N’étions-nous pas encore utilisables? Nous avions rompu tous liens avec les traîtres, qui pleuraient lâchement sur les ruines d’une patrie qu’ils avaient abandonnée. Nous n’étions pas touchés par leur déshonneur et pouvions regarder fièrement des Alliés courageux, qui nous comprenaient. Nous allions pouvoir travailler avec eux; leur cause n’était-elle pas la nôtre? Leur victoire ne serait-elle pas la renaissance de notre liberté et de notre indépendance?
(1) Cette phrase suppose que le convoi est passé à portée de Stukas allemands, ce qui est douteux (N.D.L.R.).
(2) Qui firent de grandes difficultés avant de le confier au F.F.L. (N.D.L.R.).
(3) Le lecteur rapprochera ce récit du rapport du capitaine Vuillemin et des témoignages de Pierre Messmer et Jean Simon (N.D.L.R.)
(4) Cette dalle, que les Allemands firent sauter, fut replacée à Rethondes à la victoire de 1945, ses débris ayant été retrouvés en Allemagne.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 208, novembre-décembre 1974.