Les aviateurs Duvauchelle et Méhouas à Malte (juillet 1940-janvier 1941)
Les deux aviateurs : Duvauchelle René et Méhouas Jacques partirent de Bizerte le 4 juillet 1940 avec l’hydravion de la marine Laté HB-2.5 et amerrirent à Malte.
Ce fut une grande joie pour les marins du sous-marin Narval déjà à Malte depuis huit jours.
Les deux aviateurs demeurèrent à Malte et firent ainsi plus de 30 vols de reconnaissance au-dessus de la Sicile, de l’Italie méridionale, de Corfou et de la Tripolitaine et trois missions au-dessus de la Tunisie. Ils ne quittèrent pas sans émotion leur « vieux Laté 5 » qui tint bon jusqu’au 12 novembre mais ils se consolèrent vite quand on leur donna un Glenn Martin qui pouvait faire du 400 à l’heure.
Voici quelques extraits du carnet personnel de Duvauchelle :
10 octobre – Photos Tripoli, loupé d’abord le port, recherche à l’est, côté incliné au 120°, revenu à l’ouest (une heure) arrivé sur Tripoli dans orage fait quatre passes de 1.500 à 1.000 mètres dans la pluie, terminé par une photo oblique en virage. Feu, obus, mitrailleuses et oignons ! Retour à la nuit ; chance ! Malte à 20°.
4 novembre – Attente, cafard, remise officielle avion moderne […].
7 novembre – Reconnaissance Sicile… accroché notre deuxième italien devant Syracuse : Fiat G 50 ou Breda 65 biplace – très vite – pas tiré de part ni d’autre – Fuite d’huile, viseur bouché […].
12 novembre – Indisponible ! Laté dans le hangar ! Génératrice panne ! Laté fini ! Vol à Luca sur Glenn Martin. Restons à Malte. Joie formidable : vol à deux sur Glenn. Corsaire ! « À nous deux, Messieurs les Italiens ».
22 novembre – Premier vol de guerre avec le Glenn. Impression magnifique pour les combats – attention au feu des réservoirs – très mauvais, en P.S.V. et dans les tumulus – comprend pourquoi les Anglais n’aiment pas le Glenn, trop racé, capricieux, s’engage. Temps de cochon. Corfou magnifique entre deux grains et Zante ; petites îles merveilleuses. Quel calme. Baies et golfes : pourquoi la guerre ? Je retournerai en Grèce promis. Pas un seul Italien. Coups de feu au loin dans les montagnes.
25 novembre – Vie pleine. Attente pour missions photos Tripoli. Départ à 12 h 30 […].
27 novembre – Photos à Tarente, mauvais temps pour aller. Deux passes sur le port. Anti-aircraft bien centré sur nous. Bateaux s’enfoncent.
2 décembre – Mission reconnaissance – Brindisi, Taranto. Très dur givrage…
7 décembre – Vol à 8 h 30. Départ avec le 713. Odeur d’essence forte, fuite au tank central…
18 décembre – Reconnaissance Messine, temps de cochon, givrage, antenne et mât cassés. D.C.A. ahurissante, coups dans les nuages, piqués ; Jack glace sur figure, artillerie allemande…
20 décembre – Cafard, me sens seul et le Narval n’arrive pas !!!?
21 décembre – Reconnaissance Naples, beau temps, facile ; appréhension la veille idiote. Photos obliques à 4.000 feet tout le port, empennage déchiré.
23 décembre – Part avec le 707 pour Brindisi, Tarente…
24 décembre – Narval. Le commandant Drogou, Bouet, Laroque, Sevestre, Iltis et les autres ! Veillée de Noël !
25 décembre – Avons juré avec Jack de patrouiller en chasseurs, photos secondaires ; « Le Narval sera payé très cher ».
29 décembre – Vol pour photo Pantellaria. Minimum 11.000 feet, nuages, cherche à mitrailler, pas d’avion. Dimanche vide.
1er janvier 1941 – Deux vols…
6 janvier – Photos Naples et Palerme.
8 janvier – Tarente. Temps de cochon ; reçu par deux Macchi en pleine D.C.A. Une balle dans la chambre noire, photos foutues. Concentrations Macchi ou Messer nous attendent à Malte. Tous les Hurricane décollent pour nous dégager. Heureusement temps de cochon. Belle journée ! La plus belle !
*
Ainsi les derniers mots que Duvauchelle a écrits avant de mourir sont ceux-ci : « Belle journée ! La plus belle ! » et il les écrivit, parce que, ce jour-là, il avait eu la conviction d’avoir pu faire quelque chose et parce qu’il avait aussi senti cette vivante camaraderie qui avait fait s’envoler de Malte tous les Hurricane anglais pour dégager l’équipage français en danger. Nos deux compatriotes étaient très aimés et admirés dans leur escadrille.
Le 11 janvier, trois jours après, Duvauchelle et Méhouas, accompagnés de l’observateur anglais, partirent pour une reconnaissance vers Brindisi. Duchauvelle signala vers midi, alors au-dessus de Brindisi, que tout allait bien. Puis, ce fut le silence.
Le 13 janvier, la radio italienne donna, le communiqué Suivant :
« Nous avons abattu le 11 janvier sur Catania, un bombardier du type Glenn Martin. L’appareil est tombé en flammes, les trois occupants ont été tués ».
Il n’y a aucun doute qu’il s’agisse du Glenn Martin monté par nos compatriotes qui, sur le chemin du retour, passèrent au-dessus de Catania et cherchèrent sans doute, avec leur audace habituelle, à venger le Narval.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 29, juin 1950.