Jean Sainteny
Jean Sainteny, décédé lé 25 février dernier, était une grande figure de la Résistance et de l’histoire de l’Indochine.
Mobilisé en 1939 dans l’armée de terre, puis volontaire dans l’aviation de grande reconnaissance, il se range après l’armistice parmi ceux qui décident de poursuivre la lutte. Dès l’automne 1940, sous le nom de Dragon, il groupe autour de lui, en Basse-Normandie, des éléments décidés à résister à l’oppression allemande et à préparer le débarquement allié. Il est en contact avec les fondateurs du réseau Alliance, puis avec l’organisation Ceux de la Libération (Médéric).
Il est arrêté une première fois par la Wehrmacht le 27 septembre 1941 à Colleville-sur-Mer (là où se fera trois ans plus tard le débarquement), mais après 15 jours au secret, relâché faute de preuves. Il n’en poursuit pas moins son activité, effectue des liaisons avec la zone sud (ligne de démarcation franchie 13 fois en fraude). Il organise et mène à bien des évasions de la prison de Gannat, dont celle du commandant de Boislambert, futur chancelier de l’ordre de la Libération et facilite le départ de nombreux volontaires pour les Forces Françaises Libres.
En janvier 1943, il prend le commandement du réseau Alliance. Arrêté le 16 septembre par la Gestapo, il n’est pas identifié et lui échappe deux heures plus tard. Mais il doit vivre dès lors dans la clandestinité la plus absolue; ses domiciles privé et professionnel sont mis sous scellés, perquisitionnés et dévalisés.
Il gagne l’Angleterre en mars 1944 par Lysander, et malgré les risques encourus, rentre en France trois semaines plus tard. Bien que recherché sans relâche, il réussit à réorganiser son réseau décapité et décimé par les récentes arrestations.
Les poursuites dont il est l’objet aboutissent à son arrestation le 7 juin 1944. Torturé, condamné à mort, il s’échappe dans la nuit du 4 au 5 juillet en sciant un barreau de sa cellule. C’est une des rares évasions réussies de la rue des Saussaies. Il traverse ensuite les lignes, le 16 août, et rejoint au Mans l’état-major du général Patton. Chargé de mission par celui-ci, il revient à Paris le 19 et parvient encore une fois à rejoindre la IIIe armée américaine pour lui apporter de précieux renseignements qui serviront à la libération de Paris.
En 1945, premier officier français à reprendre pied à Hanoï, il rétablit la présence française en Indochine et réussit à signer avec Ho Chi Minh les accords du 6 mars 1946 qui permettent au général Leclerc d’entrer dans Hanoï sans combat. Il est grièvement blessé le 19 décembre 1946 au cours des sanglants événements qui marquent le début de la guerre d’Indochine.
En mai 1958 il est un des fondateurs du « Mouvement pour l’appel au général de Gaulle. »
Élu député de Paris, nommé ministre des Anciens combattants et Victimes de guerre en décembre 1962, il a laissé un grand souvenir aux associations de combattants et de déportés pour l’efficacité avec laquelle, pendant quatre ans, il a servi leurs intérêts et par l’éclat qu’il a su donner aux commémorations des deux grandes guerres. On lui doit le film Trente ans d’histoire, qui retrace ces événements.
Nommé, au Conseil constitutionnel par le général de Gaulle, il continue à s’intéresser aux affaires d’Indochine et c’est lui qui, à partir de 1969, met en contact le président Nixon et Henry Kissinger avec les Nord-Vietnamiens pour organiser les négociations secrètes qui devaient mettre fin à la guerre du Vietnam.
Il était Compagnon et membre du conseil de l’ordre de la Libération, grand officier de la Légion d’honneur, croix de guerre avec palmes, croix de guerre T.O.E., officier de la Résistance.
La mort de Jean Sainteny a été douloureusement ressentie par la grande famille des Résistants. L’A.F.L. exprime à Mme Sainteny ses condoléances attristées.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 222, 1er trimestre 1978.