Les institutions de la France Libre
En dotant la France Libre d’institutions politiques, de Gaulle entend imposer sa souveraineté sur les territoires ralliés. L’histoire des institutions de la France Libre se lit alors comme celle de l’établissement d’un Etat, à la fois continuateur de la légitimité nationale et instrument de rénovation. Elle participe de la quête d’une souveraineté qui anime la France Libre dès 1940.
La France s’organise d’abord militairement dans la mesure où elle ne peut encore revendiquer d’autorité sur un territoire. A partir du mois d’août 1940, après les succès remportés dans le ralliement de l’AEF, de Gaulle dispose d’une base territoriale pour « mettre sur pied l’embryon d’un pouvoir et d’une administration ». Reconnu par Winston Churchill comme « Chef des Français libres », le 28 juin 1940, aux termes d’un accord préparé par le professeur René Cassin, le général de Gaulle institue, le 27 octobre 1940, à Brazzaville, « terre française », un « Conseil de Défense de l’Empire » . De Gaulle assigne à cette institution une double mission : « exercer la conduite de la guerre » et « traiter avec les puissances étrangères ». Une création qui intervient quelques jours seulement après l’entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler. De Gaulle fixe des limites à ses attributions : « J’exercerai mes pouvoirs au nom de la France et uniquement pour la défendre, et je prends l’engagement solennel de rendre compte de mes actes aux représentants du peuple français, dès qu’il aura été possible d’en désigner librement ». et proclame, dans une « Déclaration organique« , l’illégalité et l’inconstitutionnalité du gouvernement de Vichy .
Le 24 septembre 1941 il crée à Londres un « Comité national français« , c’est là la première structure gouvernementale. Le général de Gaulle n’est plus « chef des Français Libres » mais « Président du CNFL ». Même s’il n’existe pas encore d’assemblée législative, de Gaulle s’engage à « soumettre dès que possible les ordonnances du Comité à la ratification de la représentation nationale ». Le CNFL entend défendre les intérêts de la France dans le camp des Alliés et administre les territoires ralliés à la France libre, soit : l’Afrique équatoriale Française, le Cameroun, les Comptoirs français de l’Inde, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle Calédonie et les autres possessions françaises du Pacifique.
Avec le débarquement américain en Afrique du Nord de novembre 1942, la légitimité de la France libre est contestée par le président Roosevelt. L’institution à Alger, le 30 mai 1943 du « Comité français de Libération nationale » (CFLN) et d’une Assemblée consultative provisoire répond aux vœux de la résistance. Après avoir été co-présidé par de Gaulle et Giraud, le CFLN, sous la seule présidence du général de Gaulle, prend à partir du 9 novembre 1943, la forme d’un véritable gouvernement où siègent d’anciens responsables des mouvements de résistance et des hommes politiques.
Le 3 juin 1944 le CFLN prendra la dénomination de « Gouvernement provisoire de la République française » (GPRF). Président d’un gouvernement d’unanimité nationale, le général de Gaulle, acclamé à Paris le 26 août et en province les jours suivants a réussi à rassembler les Français autour de lui. Le 23 octobre 1944, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS reconnaissent le GPRF. Grâce à Charles de Gaulle et à l’action menée par la France Libre depuis juin 1940, la France sera présente le 8 mai 1945 à la table des vainqueurs.