Le French Squadron
Sur ordre du général de Gaulle, le 21 juillet 1941, la plus grande partie de l’effectif des parachutistes de la Première « Compagnie d’infanterie de l’Air », composée d’une cinquantaine d’hommes, 3 sous-officiers, 1 médecin militaire, 2 officiers, commandée par le capitaine Georges Bergé, embarque sur le Cameronian à destination de Suez, étape avant Beyrouth où ils arrivent le 23 septembre 1941.
Appelée depuis le 25 septembre 1941 « Peloton parachutiste du Levant », la compagnie est envoyée à Damas, cantonnée à la caserne Hamidie où le capitaine Bergé lui fait reprendre son entraînement. Le 15 octobre 1941, sur ordre du général de Gaulle, l’unité repasse sous l’autorité de l’armée de l’air avec l’appellation de « 1re compagnie de chasseurs parachutistes » et prend ses quartiers à la base de Meze sur l’aérodrome de Damas.
Le capitaine Bergé ayant obtenu de poursuivre son entraînement de parachutistes à Kabret en Égypte, il s’y installe le 2 janvier 1942 avec ses hommes et de nouvelles recrues engagées au Liban et en Syrie. A Kabret est basée une unité nouvelle et inconnue. Elle a été créée par un officier des Special Forces, David Stirling, dans des conditions très particulières.
La Cyrénaïque, la Tripolitaine sont alors le seul front où l’Axe et les alliés, dont les forces françaises libres, s’affrontent. La 8e Armée a stoppé l’offensive de Rommel à El Alamein, mais les forces de l’Axe contrôlant sans opposition une partie importante de la méditerranée et la Royal Air Force ayant été refoulée au Nil, les convois de ravitaillement indispensables, sans protection aérienne, subissent les pertes les plus graves.
Pour en atténuer les effets, le haut commandement a lancé de puissants raids commandos contre les aérodromes de la Luftwaffe peu éloignés de la côte. Ils ont tous échoué avec des pertes importantes. Le lieutenant David Stirling qui a participé à ces opérations en a tiré la leçon et propose à l’état-major de confier l’attaque des aérodromes à de petits groupes d’hommes spécialement formés et entraînés qui, s’infiltrant jusqu’aux lointains arrières ennemis, pourraient pénétrer sur les terrains d’aviation et avec des bombes à retardement, détruire les avions au sol.
Accord est donné par le général Auchinleck de créer cette nouvelle unité parce que cela ne coûtait pas cher, ni en hommes ni en matériel, en précisant que son objectif prioritaire sera l’attaque de la Luftwaffe. David Stirling est désigné pour la commander. Il lui donne le nom mystérieux de Brigade du Special Air Service et, pour son recrutement, il s’entoure d’abord de ses camarades, anciens comme lui des Special Forces. Le centre d’entraînement parachutiste de Kabret sera sa base.
Le parachutage de nuit, dans le désert s’avérant trop aléatoire, l’infiltration derrière les lignes ennemies est alors prévue avec la complicité du Long Range Desert Group (LRDG) commandé par David Owen, unité spécialisée qui, avec des véhicules appropriés, procède à des incursions plus ou moins lointaines en territoire ennemi, pour des sabotages et du renseignement. Les hommes du SAS seront amenés au plus près de leurs objectifs par le LRDG et récupérés ensuite.
Passant à l’exécution le 8 décembre, Paddy Mayne et cinq hommes pénètrent de nuit sur l’aérodrome de Tamet et font sauter 24 avions de la Luftwaffe. Le 18 décembre, Fraser avec cinq complices en détruit 34 à Agebadia et Paddy Mayne, avec le même effectif, récidive à Tamet dans la nuit de noël pour faire exploser 27 appareils.
Ces formidables succès rendent euphorique l’état-major qui demande à David Stirling d’augmenter ses effectifs. Les volontaires sont nombreux, mais leur formation sera longue. C’est alors que débarquent à Kabret le capitaine Bergé et ses hommes. Cette soixantaine de paras, entraînés, motivés, arrivant à un tel moment, est une chance que le chef des SAS ne laisse pas passer. Il ne reste plus qu’à les accoutumer aux conditions exigeantes du désert.
Un point capital demeure, c’est l’accord du général de Gaulle. La situation ne s’y prête pas car, la guerre de Syrie terminée, il y a de fortes divergences entre le chef de la France libre et Winston Churchill concernant l’influence française au Levant. Il faudra toute la diplomatie du général Catroux pour obtenir que la 1re compagnie de chasseurs parachutistes soit intégrée au Special Air Service en tant que 3e Squadron qui prendra l’appellation plus usuelle de French Squadron.
Le type de mission du SAS exige peu d’hommes, mais ils doivent être expérimentés et décidés. Le stick, groupe de combat, varie de trois à dix. C’est dans ce type de formation que, dès le printemps 1942, le French Squadron sera progressivement engagé dans l’attaque des aérodromes tous situés près des côtes et principalement en Cyrénaïque, tels que Martuba 3, Barcé, Derna Est, Derna Ouest, Berka 3.
Une mission spéciale est effectuée en Crète contre l’aérodrome de Candia-Héraklion où cinq SAS sont déposés dans l’île par un sous-marin dont trois Français commandés par le capitaine Bergé. Dans la nuit du 12 au 13 juin, ils détruiront 21 avions, les dépôts de carburant et de munitions. Dans la traque qui suivra, Loestic, qui avait juste 18 ans, sera tué, Bergé, Mouhot et Sibard capturés.
Georges Bergé disparu, le lieutenant Augustin Jordan, ayant lui-même échappé de justesse à la capture lors d’une mission sur l’aérodrome de Derna Est le 12 juin, prend le commandement du French Squadron.
L’attaque de nuit, par quelques hommes déposant dans les avions des bombes qui explosent alors qu’ils sont déjà très loin de leur objectif, a amené l’ennemi à prendre des dispositions de plus en plus dissuasives, pour arriver à un garde pour chaque appareil. Le rendement des raids sur les aérodromes ayant donc progressivement diminué, David Stirling prévoit un autre type d’intervention. Puisque la surprise seule ne pouvait plus jouer, il lui adjoindra la force en dotant son unité de jeeps armées de mitrailleuses Vickers à tir rapide. Dans la nuit du 26 au 27 juillet, il attaque ainsi l’aérodrome de Sidi Hanneisch où trois des dix-huit jeeps qui détruisirent 34 avions de la Luftwaffe, étaient françaises, commandées par Augustin Jordan. Dans la traque féroce qui suivra, l’aspirant André Zirnheld, qui se destinait aux ordres, sera tué.
Rommel battu à El Alamein, le front n’est plus statique, l’Afrika Korps est en retraite, les aérodromes allemands se replient avec rapidité, ce qui empêche de préparer des opérations contre eux. L’ensemble du SAS, entièrement motorisé, va alors lancer, partant de Kabret, une vaste opération avec toutes ses jeeps pour des actions de sabotage et de désorganisation des arrières ennemis. Le French Squadron va ainsi participer au contournement de la ligne de défense de Mareth où Rommel tente de retarder l’avance des Alliés.
A partir de la Tunisie, les conditions vont changer. L’anonymat et la complicité du désert font place à une importante densité rurale peu favorable au secret des déplacements. Dénoncés et leurs jeeps souvent en difficultés mécaniques, les équipages tombent les uns après les autres, David Stirling et Augustin Jordan étant eux-mêmes capturés.
Seuls les trois équipages français commandés par Harent, Legrand et Martin réussiront, le 4 février, à faire la jonction avec les forces anglo-américaines et françaises aux confins algéro-tunisiens, près de Gafsa.
Les rescapés du French Squadron sont ramenés en Angleterre où ils feront partie du 2e régiment de chasseurs parachutistes, intégré à la brigade SAS en prévision des opérations du débarquement en France sous la dénomination de 4e SAS.