Les FNFL sur toutes les mers du monde (1941-1943)
La bataille de l’Atlantique. Les convois de Mourmansk
Au début de 1941, les FNFL ne comptent encore que 3 300 hommes et une soixantaine d’officiers. Le souvenir de Mers el-Kébir, les affrontements fratricides de Dakar et du Gabon, la détérioration des relations entre de Gaulle et Muselier *, expliquent la faiblesse relative des ralliements. Mais la bataille de l’Atlantique, destinée à assurer la sécurité des routes de ravitaillement en provenance d’Amérique et d’Afrique, va changer la donne : “C’est la bataille qu’il fallait à tout prix gagner, dira Churchill, car sans cette victoire, il n’y aurait pas eu d’autres batailles ni d’autres victoires. “Pour la gagner, l’Angleterre a besoin de toutes les énergies. A une échelle encore modeste, les FNFL participeront à une lutte qui prit vite un tour implacable.
La bataille de l’Atlantique a duré du premier au dernier jour de la guerre ; elle s’est déroulée essentiellement dans l’Atlantique Nord. C’est l’un des théâtres où le péril – mines, avions, et surtout les redoutables sous-marins U-Boote – fut particulièrement grand et la victoire longtemps indécise. Neuf corvettes des FNFL y ont été engagées d’un bout à l’autre, ainsi qu’un contre-torpilleur, plusieurs avisos et patrouilleurs, six frégates et même un sous-marin (le Surcouf). Quatre U-Boote ont été officiellement coulés : l’U-136, par le contre-torpilleur Léopard (11 juillet 1942) ; l’U-609, par la corvette Lobélia (7 février 1943) ; l’U-444 et l’U-432, par la corvette Aconit (11 mars 1943).
Les FNFL ont en outre assuré l’escorte de plusieurs milliers de navires alliés, notamment sur la route de l’Arctique, empruntées par les convois destinés au ravitaillement de l’URSS. Entre la banquise et les côtes de Norvège tenues par les troupes allemandes, escortes et convois constituent des cibles idéales pour les navires de surface, les sous-marins et les avions ennemis. Le Commandant-Détroyat et la Roselys se distingueront, par ailleurs, en venant au secours de navires en détresse et en recueillant plusieurs centaines de naufragés (mai-juillet 1942).
Après l’entrée en guerre de l’URSS (juin 1941), la route de l’Arctique est utilisée pour le ravitaillement des Soviétiques par les Américains. Les convois, de plus en plus nombreux, sont attaqués sans relâche par les forces allemandes basées en Norvège occupée. Les sous-marins FNFL joueront un rôle capital dans cette nouvelle bataille : ainsi de mai 1940 à décembre 1944, le Rubis effectua 28 missions de mouillage de mines sur les côtes de Norvège et de France, entraînant la destruction de 16 navires ennemis. De leur côté, la Minerve et la Junon accompliront respectivement 13 et 9 patrouilles, en dehors de missions de débarquement d’agents secrets et de matériels en Norvège.
Missions en Méditerranée, dans l’océan Indien et dans le Pacifique
En Méditerranée, le sous-marin Narval est le premier à poursuivre la lutte, en ralliant Malte depuis la Tunisie (26 juin 1940) ; il effectue diverses missions au large des côtes tunisiennes avant de sauter sur une mine devant les îles Kerkennah (décembre 1940). A l’automne 1941, le patrouilleur Vikings est le premier navire FNFL à intervenir en Méditerranée orientale (il sera coulé en avril 1942). Au printemps 1942, les trois avisos des FNFL (Commandant-Duboc, Commandant-Dominé, La Moqueuse) sont engagés en soutien des opérations britanniques dans le Dodécanèse et sur les côtes du Levant, en participant à 12 combats. En juin 1942, le patrouilleur La Reine des Flots interviendra dans le même secteur, en participant à la libération du port turc de Castellorizo et en abattant deux avions ennemis. À partir d’août 1943, le sous-marin Curie patrouillera sur les côtes de Provence, livrant 12 combats et coulant trois navires ennemis. Plusieurs bâtiments assureront le transport de personnels et de matériels destinés au débarquement de Provence (août 1944).
De 1941 à 1943, le Savorgnan de Brazza assure diverses escortes et patrouilles dans l’océan Indien, d’abord en appui de la BFO en Erythrée, puis contre la présence japonaise. En décembre 1943, il coulera un sous-marin ennemi avant de relever le croiseur auxiliaire Cap des Palmes dans le Pacifique. Au moment où les troupes américaines sont en mauvaise posture sur ce théâtre (Les Japonais reprennent l’offensive en Birmanie, attaquent les aérodromes alliés en Chine et menacent la Nouvelle-Guinée), les FNFL sont présentes en Nouvelle-Calédonie et en Océanie : le contre-torpilleur Le Triomphant, le Cap des Palmes (puis le Savorgnan de Brazza), l’aviso Le Chevreuil.
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* Le 2 janvier 1941, les Anglais firent arrêter Muselier, faussement accusé d’avoir livré à Darlan les plans de l’opération Menace. De Gaulle jettera dans la balance toute son influence pour exiger la libération de son adjoint. Muselier sera finalement libéré avec les excuses du gouvernement britannique. Il s’agissait d’une machination ourdie par deux agents des services spéciaux britanniques engagés dans les FFL, qui seront condamnés pour leurs agissements. Dans un premier temps, Muselier s’est plaint que le Général ne l’ait pas défendu immédiatement. Des années après, dans ses Mémoires, contre toute vraisemblance et sans l’ombre d’une preuve, il lui reprochera d’avoir tenté de se débarrasser de lui.