L’armée française dans le débarquement de Provence, par le général Saint-Hillier

L’armée française dans le débarquement de Provence, par le général Saint-Hillier

L’armée française dans le débarquement de Provence, par le général Saint-Hillier

Dans la bataille de Provence

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L’armada alliée en vue des côtes de France (ECPAD).

Le 18 avril 1944, le général de Gaulle confie au général de Lattre le commandement de l’armée B française, appelée à prendre part, au sein de la VIIe armée américaine, à la libération de la France, à partir de la côte méditerranéenne.

Il met à ses ordres sept divisions : les 1re et 5e divisions blindées formées en Afrique du Nord, la 9e division d’infanterie coloniale qui, en juin 1944, a conquis l’île d’Elbe, ainsi que les quatre grandes unités et le groupement de Tabors, qui constituaient le « Corps expéditionnaire d’Italie » du général Juin : il s’agit de la 3e division algérienne, celle de Cassino, les 2e et 4e divisions marocaines et la 1re Division Française Libre.

Ces divisions et les Tabors ont par trois fois rompu le front allemand d’Italie, sur le Garigliano, sur la ligne fortifiée Gustav, puis sur la position de résistance de Radicofani.

Des éléments de réserve générale complètent cette armée B, qui au total comprend 200.000 hommes.

La 1re Division Française Libre, commandée par le général Brosset, est mise le 20 juin à la disposition du général de Lattre.

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La campagne de France s’engage le 15 août 1944, sur les côtes de Provence. L’armée B française, commandée par le général de Lattre de Tassigny (au total : 200 000 hommes), y prend part au sein de la VIIe armée américaine.

À Marchianisi, non loin de Tarente, le général de Gaulle vient le 30 juin saluer «ses vieux compagnons» dont les vétérans ont inscrit en lettres d’or sur leurs drapeaux les victoires de Bjervik et Narvik 1940, Keren, Massaouah 1941, Bir-Hakeim 1942, Tunisie 1943 enfin Garigliano, Rome, Radicofani 1944. Il connaît la valeur de ces volontaires qui forment une division impériale par essence, car ils sont venus de toutes les provinces de France et de tout l’Empire : Africains d’AEF et d’AOF, Malgaches, Algériens, Tunisiens et Marocains, Indochinois et Pondichériens, Tahitiens, Calédoniens et Canaques, Libanais et Syriens, Antillais, fusiliers-marins, marsouins, anciens du Levant et légionnaires, pieds-noirs et évadés de France par l’Espagne. Tous attendent depuis 1940 le moment de débarquer en France que la plupart ne connaissent pas. Les véhicules de la division sont réunis à Tarente et Brindisi pour être mis en état de débarquer à proximité des plages, « waterproofés » disons-nous ; et au début du mois d’août la DFL et son fidèle soutien, le 8e régiment de chasseurs d’Afrique (armé en tank-destroyers), sont prêts à embarquer.

Le mois de juillet a été mis à profit par l’état-major de la division pour travailler avec celui de l’armée B arrivé en Italie. De son côté, la troupe ne chôme pas, elle goûte aussi aux délices locaux; quant à nos fusiliers-marins, ils échangent quotidiennement des horions avec matelots italiens et les carabiniers.

Le 10 août, le général de Lattre réunit les commandants de division 1re DB – 3e DIA – 1re DFL, à bord du Batory qui porte sa marque en tête de mât, et expose son idée de manœuvre; la date du débarquement allié en Provence est fixée au 15 août. À la 1re Division Française Libre revient de droit, dit-il, l’honneur de débarquer la première dans sa totalité, elle reçoit « la mission la plus rude » : « Saisir l’ennemi à la gorge, fixer et maintenir sur place les forces allemandes qui défendent face à l’est le camp retranché de Toulon ». C’est là que l’ennemi applique son effort principal. Son système défensif, au long du front de mer, comporte deux positions bien organisées avec abris bétonnés, nombreuses batteries fortifiées prises en novembre 1942, et des champs de mines ; il est tenu par la 242e division, renforcée de bataillons de fusiliers marins et canonniers de la Kriegsmarine. La 3e division algérienne reçoit «la mission de prendre en défaut la défense allemande en la débordant largement par le nord, elle doit ensuite lui porter un coup de poignard dans le flanc en encerclant la place et la surprendre en l’attaquant dans une direction inattendue.»

Le commandement allié, voulant pouvoir disposer d’un port pour le 25 septembre, fixe le commencement des opérations de l’armée B à la fin du mois d’août. Dès lors, les Américains programment en conséquence l’arrivée du 2e échelon de troupes, celle des hôpitaux, l’apport des vivres, de l’essence, des munitions et même de l’eau car ils jugent celle de Provence non potable.

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Nous appareillons le lendemain, voguant en direction de Bizerte, en exécution d’un « plan de déception » plutôt enfantin puisqu’au même moment la BBC annonce « l’ouverture du front sud ». Après être passés entre la Sicile et la Tunisie nous entrons dans une « noria » compliquée de convois,les uns viennent d’Oran, d’autres, comme nous, sont partis d’Italie, quelques-uns proviennent de Corse. Mille sept cents bâtiments de tout genre, dont 60 paquebots, cheminent par vagues successives, suivant des itinéraires compliqués vers la côte des Maures.

La Naval Western Task Force, forte de 250 navires de guerre, dont cinq cuirassés et neuf porte-avions, armada la plus importante qu’ait jamais portée la Méditerranée, veille sur ce déplacement. On reconnaît de nombreux bâtiments français, le Georges Leygues, le Montcalm et les escorteurs de la France Libre qui portent à la poupe le pavillon à croix de Lorraine.

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Venues d’Oran, de Tarente et de Corse, les troupes françaises débarquent sur les plages de Cavalaire, Saint-Tropez, Sainte-Maxime et Saint-Raphaël (ECPAD).

L’état-major de la 1re DFL voyage à bord du Sobiesky, paquebot polonais qui a participé à tous les débarquements de vive force de la guerre : Norvège, Madagascar, Afrique du Nord, Salerne, Anzio; c’est lui qui a ramené en France, le 14 juin 1940, la 13e Demi-Brigade de Légion Étrangère après sa victoire de Narvik (1). Dans le salon avant, le général Brosset réunit les officiers, les met au courant de la situation en Normandie, puis du rôle qui les attend dans la mission confiée à la division.

Le soir même, vers 20 heures, les commandos quittent la Corse, deux opérations préliminaires au débarquement sont prévues, l’une menée par le « Groupe naval d’assaut » français qui aborde dans un champ de mines à Théoule et sera détruit par les Allemands, l’autre par des Rangers américains et les Commandos d’Afrique du lieutenant-colonel Bouvet qui débarquent dans la région de Cavalaire.

Cap Nègre, Le Lavandou. Après l’escalade d’une falaise à pic d’une soixantaine de mètres, nos commandos détruisent la batterie du Cap Nègre, les autres formations nettoient la zone qui mène aux plages de Canadel et du Rayol.

Ces deux actions précèdent le largage au petit matin du 15 août entre Draguignan et Fréjus d’une division aéroportée anglo-américaine, la First Airborn Task Force, chargée d’inter-dire l’arrivée de renforts dans la zone de débarquement.

À l’aube du 15 août, les défenses du rivage depuis Saint-Tropez jusqu’à Saint-Raphaël sont prises à partie par mille avions bombardiers et les canons lourds de la marine, puis les 3e, 45e et 36e divisions américaines, cette dernière renforcée par un Combat Command de la 1re division blindée française du général du Vigier, débarquent respectivement sur les plages de Cavalaire, La Nartelle et le Dramont comme prévu. Seule la plage de Saint-Raphaël reste inabordable, ce qui impose une variante au CC1 du colonel Sudre. En trois jours, les Américains réalisent une large tête de pont de 80 kilomètres de large sur autant de profondeur.

La 1re DFL et le 8e RCA arrivent le 16 dans la rade de Cavalaire. Les navires jettent l’ancre au milieu d’une étrange flotte de bateaux de tous les types, surmontés chacun d’un ballon captif pour empêcher les avions de la Luftwaffe de les mitrailler. Personnel et matériels roulants se hâtent vers la terre dans la nuit qui tombe. La brume qui monte du sol s’épaissit bientôt de toutes les fumées que crachent les navires survolés en cet instant par des avions allemands. Des bombes tombent, éclatent, la DCA tire… abattant un, puis deux ballons de protection.

Le 16 août, à 20 heures, la 1re DFL débarque à Cavalaire (ECPAD).

Au fur et à mesure de leur débarquement, les unités s’enfoncent d’une centaine de mètres au-delà de la plage et attendent le jour, l’état-major pour sa part reste jusqu’à l’aube dans une vigne au milieu d’un champ de mines. Le 17 au matin, le regroupement de la division se poursuit autour de Gassin pendant que les véhicules sont « déwaterproofés », et que le général Brosset part reconnaître la future zone d’action de la division. Il donne l’ordre aux 2e et 4e brigades de relever dès le lendemain les éléments américains qui couvrent le flanc ouest de la tête de pont. C’est à pied que nos deux brigades exécutent ce déplacement d’une quarantaine de kilomètres, marche forcée, marche harassante sous le soleil avec des souliers durcis par l’eau de mer, mentionnent les journaux de marche. Ce qu’ils ne racontent pas, c’est qu’au long de la route nos marsouins puisent avec leur mugs dans des seaux de vin que leurs portent les habitants, et l’énergie s’en ressent.

Dans l’après-midi nous relevons le 7e régiment américain arrêté sur le méridien du Lavandou et le commando Bouvet qui vient de s’emparer de la batterie de Mauvannes vigoureusement défendue par 150 marins de la Kriegsmarine. Il a fait 100 prisonniers mais perdu 30 hommes sur les 60 qui ont mené l’assaut.

Le soir, le général Brosset est convoqué à Cogolin par le général de Lattre, qui lui confirme sa mission et fixe le début de l’offensive au 20 août : les renseignements sur l’ennemi sont nombreux mais peu encourageants. Notre général apprend l’existence d’un groupement de Larminat chargé de coordonner l’action de la 1re DFL et d’un complexe d’unités commandé par le général Magnan, comprenant des éléments du Combat Command n° 2 de la 1re DB, le 2e régiment de Spahis du colonel Lecoq, le bataillon de choc du lieutenant-colonel Gambiez, plus un Regimental Combat Team de la 9e DIC. Ces formations venues de Corse avec des Tabors marocains sont en train de débarquer avec quarante-huit heures d’avance sur le planning américain : cela représente 800 combattants de plus et un groupe d’artillerie qui agiront à la droite de la 1re DFL.

La conquête de Toulon

L’encerclement

Dès le 19 au soir, la DFL prend le contact avec l’ennemi dont les points d’appui sont protégés par de larges champs de mines et des réseaux de fils de fer barbelé. Les Allemands réagissent vigoureusement par des tirs d’armes automatiques et d’artillerie.

Pendant ce temps, le 3e régiment de Spahis algériens du colonel Bonjour, régiment de reconnaissance de la 3e DIA s’enfonce profondément dans le massif montagneux qui domine Toulon au nord. Après avoir parcouru dans des conditions difficiles 80 kilomètres, il se heurte à un bouchon ennemi au carrefour du lieu-dit Le Camp, à 30 kilomètres au nord-ouest de Toulon.

La 1re DFL a ses trois groupements tactiques en ligne : la 2e brigade du colonel Garbay forme le Regimental Combat Team (RCT) n° 2, la 4e brigade du colonel Raynal le RCT3, la 1re brigade du colonel Delange le RCT1.

L’attaque démarre le 20 août au petit jour, après une violente préparation d’artillerie. Elle est couverte sur sa droite par le groupement Magnan dont l’engagement progressif lui donne une bonne protection et va l’aider à entamer la première ligne de défense ennemie. Ce groupement progresse jusqu’à Solliès, mais les contre-attaques allemandes l’empêchent d’aller plus avant.

La journée est rude pour le RCT2, mais ses Africains conquièrent leurs objectifs malgré une forte résistance ennemie et les gardent en dépit de violentes contre-attaques. Le BM.5 du commandant Bertrand enlève le mont Redon après un corps à corps acharné et s’y maintient sous un déluge d’obus, le BM.11 du commandant Langlois s’empare du massif des Pousselons, à son extrémité sud les casemates bétonnées de la côte 101 résistent jusqu’au soir.

Au sud, le RCT3 franchit le Gapeau grâce au travail du bataillon du génie du commandant Tissier, il aborde le massif des Maurettes et en est rejeté vers midi, une nouvelle attaque échoue bien qu’appuyée par les quatre groupes du 1er Régiment d’Artillerie du colonel Bert, tous ceux de l’armée B du général Navereau et même les canons de huit croiseurs de la flotte. Plus au sud, le BM.21 du commandant Fournier s’infiltre jusqu’aux casernes Lazarines d’Hyères qu’il enlève par surprise.

La 1re DFL a donc enfoncé une grande partie de la première ceinture de défense. L’artillerie a joué un rôle important tout autant que l’audace de nos Africains. Malheureusement, l’armée B est obligée de réduire la consommation en munitions : la logistique ne suit pas.

De leur côté, les Spahis de la 3e DIA prennent le camp de Curges après de brefs combats : certaines unités allemandes se défendent jusqu’au bout, d’autres se rendent à la première sommation. Pendant ce temps, le 3e régiment de tirailleurs algériens du colonel de Linarès, guidé par les moines de Montrieux, traverse un massif montagneux sur des pistes réputées impraticables et arrivent aux portes de Toulon sans recevoir un coup de feu : le Revest est atteint. Ces mouvements montrent la faiblesse du dispositif ennemi dans la région et permettent au général de Monsabert d’envisager une action sur Marseille.

Le soir du 20 août, le général de Lattre déclare que « la place est dans la nasse ».

Le lendemain 21 août, le groupement Magnan s’empare de Solliès et un de ses détachements blindés est même arrivé jusqu’à La Valette, où il restera encerclé durant quarante-huit heures. Les commandos d’Afrique abordent le fort du Coudon, qui culmine à 702 mètres, défendu par 150 marins de la Kriegsmarine ; ils en viennent à bout après un sauvage corps-à-corps mené jusque dans les souterrains. Lorsque les six derniers survivants se rendent, leur chef fait déclencher un violent bombardement sur le fort, frappant indistinctement Français et Allemands.

La journée est tout aussi âpre et coûteuse pour la 1re DFL. Au nord, le 22e Bataillon de Marche Nord-Africain (BMNA) du commandant Lequesne, appartenant au RCT1 s’empare, près du village de La Farlède, de la forme fortifiée de Beaulieu qui cède après trois assauts consécutifs, puis il se joint au BM.11 pour conquérir La Crau. Les ouvrages bétonnés de la côte 101 et de La Crau, bouleversés par les tirs d’artillerie, sont enlevés à la troisième tentative.

Le RCT3 nettoie le massif des Maurettes (BM.4 du commandant Buttin), le Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique du commandant Magendie s’empare des crêtes qui surplombent le Golf Hotel. De ce réduit partent des tirs impressionnants qui interdisent toute approche à moins de 400 mètres. Le gratte-ciel de béton, formidable forteresse, dont les caves à elle seules abritent deux compagnies en plus des défenseurs du niveau du sol, est transformé en passoire par le tir des canons du 80 RCA du colonel Simon, de nos canons et de ceux de la flotte. À 18 h 30, après un assaut qui échoue dans l’épaisse ceinture de barbelés, le Golf Hotel reçoit trois « marteaux » de 1 000 obus, puis, aveuglé par des obus fumigènes, il est enlevé à la grenade et à la mi-traillette : 200 Allemands sont tués et 160 faits prisonniers, tous blessés, le squelette décharné du Golf Hotel domine le paysage après avoir encaissé plus de 6 000 obus. La ville d’Hyères est prise conjointement par le BM.24 du commandant Sambron et le BM.21.

Avec l’appui de l’escadre de l’amiral Lemonnier et celui des bombardiers du général Bouscat, les batteries de Porquerolles et le centre de résistance du Mont des Oiseaux sont enlevés par le 1er Bataillon de Légion Étrangère du commandant de Sairigné.

Le 3e Spahis de la 3e DIA atteint le 22 août le rivage de la Méditerranée à Bandol et Sanary, mais les tirailleurs de Linarès se heurtent au centre de résistance de la Poudrière, qui résistera jusqu’au soir, laissant alors entre leurs mains 160 prisonniers dont 50 blessés graves gisant au milieu de 200 Allemands tués.

Au petit jour, la DFL précédée de ses éléments blindés (80 RCA et 1er Régiment de Fusiliers-Marins du capitaine de corvette de Morsier) progresse vers Toulon. Carqueiranne est rapidement dépassé et dès 9 heures le contact est pris avec la deuxième ligne fortifiée. Vers Les Paluds, deux batteries allemandes sont détruites au canon par les tank-destroyers du 80 RCA, et le RCT2 enlève dans l’après-midi au milieu des pins en flammes l’éperon avancé du Touar qu’il conserve malgré une furieuse contre-attaque arrêtée in extremis par les chars légers du 1er RFM. Le RCT3 se heurte alors aux points d’appui de La Garde et du Pradet qui changent par deux fois de mains. Il faudra un ultime assaut mené de nuit par le BIMP pour conquérir La Garde. Heureusement la marine a muselé l’artillerie des forts de Carqueiranne et de Sainte-Marguerite.

Précédant le groupement Magnan, le bataillon de choc pousse jusqu’au Faron qui est vide et de là au fort de la Croix du Faron qui se rend à la tombée de la nuit.

Le démantèlement

La 1re DFL et la 9e DIC se trouvent le 23 août devant la ligne d’arrêt, au contact d’un ennemi décidé et solidement retranché dans des organisations bétonnées ou enterrées préparées de longue date.

Le sous-groupement Salan s’empare après de durs combats de La Valette (II/6e RTS du commandant Gauvin) et le soir venu commence à s’infiltrer dans Toulon.

Les BM.4 et BM.5 de la DFL, précédés d’un barrage d’artillerie, partent à l’assaut du massif du Touar dont les ouvrages doivent être réduits un à un; ils subissent le tir à bout portant de canons sous tourelles. La progression continue dans des forêts en feu où les dépôts d’obus et les mines sautent, les ambulanciers se démènent pour sauver les blessés que l’incendie menace. Ce n’est qu’à 16 heures, après six heures de durs combats, que l’ennemi cède; il fait sauter ses canons après avoir épuisé toutes ses munitions : le massif du Touar est à nous. Les dernières résistances du Mont des Oiseaux et de la presqu’île de Giens capitulent devant la Légion.

Toute la partie est de Toulon est occupée, le commandant Mirkin obtient par un merveilleux coup d’audace la reddition de 800 Allemands retranchés dans le quartier de Saint- Jean-du-Var. Le général de Lattre vient au PC de la division féliciter chaleureusement le général Brosset.

Porquerolles et San Salvador se rendent aux bâtiments de guerre américains. Un groupe FFI, commandé par le lieutenant Vallier, le seul à avoir participé à notre combat, capture 154 Allemands à La Badine.

Les derniers points d’appui de Sainte-Musse et du Cap-Brun, les ouvrages côtiers de Toulon, se rendent le 24 août à la DFL, tandis que le groupement Magnan entre dans Toulon par le nord (RICM – lieutenant-colonel Le Puloch).

La 3e DIA atteint la place de la Liberté au centre de Toulon. Peu après, arrivent quelques volontaires de la DFL et les RCCC de la 9e DIC (régiment colonial de chasseurs de chars du colonel Charles). Mais, auparavant, le général Brosset, tout seul, en Jeep, avait déjà traversé la ville.

La DFL est arrêtée aux portes de Toulon par ordre du général commandant l’armée B, afin de laisser à la 9e DIC du général Magnan le soin de nettoyer la ville; elle y perdit bien du monde. Il comptait donner «en compensation» la ville de Marseille à la 1re DFL, mais il ne pouvait prévoir ni la rapidité avec laquelle les FFI soulevés allaient aspirer la 3e DIA dans Marseille, ni la puissance de la résistance que l’amiral Ruhfus opposerait à Toulon. Le but du général de Lattre est de faire de la cité, conquise de haute lutte, la garnison principale des troupes coloniales; il compte voir, ici, l’armée de terre prendre le pas sur la marine.

Le commissaire à la guerre, M. Diethelm, et le commissaire à la marine, M. Jacquinot, se réservèrent le soin de résoudre ce problème.

La 9e DIC débouche sur le port le 25 août, de furieux combats se déroulent dans la presqu’île du Mourillon et au fort de Malbousquet. Le fort d’Artigues capitule, au cap Sicié le fort de Six-Fours et la batterie du Bregaillon sont pris.

L’escadre française de l’amiral Lemonnier pénètre dans la rade de Toulon, dont les passes viennent d’être déminées. L’amiral Ruhfus capitule le 28 août, après une dernière intervention de l’aviation.

La libération de Marseille

Le général de Gaulle décore le général Brosset, commandant la 1re DFL. Brosset libérera Hyères, les environs de Toulon et Lyon, avant de mourir accidentellement près de Belfort le 20 novembre 1944 .

Le général Wiese, commandant la XIXe armée allemande chargée de la défense du secteur Toulon-Marseille, sait à la veille du débarquement que celui-ci doit avoir lieu le 15 août.

À 3 heures, ce jour-là, il apprend que des avions de transport ont décollé du sud de l’Italie avec des troupes aéroportées à bord. Il donne l’ordre d’acheminer sur Brignoles des troupes prélevées sur la 244e division qui défend Marseille pour combattre la « First Airborn Task Force ». Hitler et le haut commandement de la Wehrmacht décident, en raison de l’avance rapide des Américains au nord de la Loire, de replier les troupes allemandes du midi de la France, sauf les 31000 hommes qui défendent le secteur de Marseille-Toulon. Cela explique l’avance rapide de la VIIe armée américaine en direction du nord.

La défense de Marseille est confiée le 20 août au général Schaeffer. Ce même jour, l’encerclement de Toulon par l’est commence et les Spahis du régiment de reconnaissance de la 3e DIA sont même parvenus sans rencontrer d’opposition à 30 kilomètres au nord de Toulon. Le général Wiese, commandant le 85e corps d’armée, décide de verrouiller les axes routiers qui aboutissent à Marseille, il dispose de six bataillons d’infanterie, quatre centres de résistance sont créés :

1 – Celui de Carpiagne, défendu par un bataillon (III/394e Grenadiers);

2 – Le centre d’Aubagne, tenu par deux bataillons (I/394e et 461e bataillon de Grenadiers) et deux groupes d’artillerie;

3 – Le centre de Cadolive, occupé par le 2e bataillon du 394e;

4 – Le centre de Septèmes, qui comprend les batteries côtières de Rode, est confié au 338e bataillon renforcé de deux compagnies;

5 – La liaison avec le front de mer est assuré par le 1er bataillon du 932e régiment de Grenadiers.

En outre, un groupe d’artillerie participe à la défense intérieure du dispositif de défense qu’occupe le 1er bataillon du 932e Grenadiers.

La garnison de Marseille, forte de 4 600 hommes, est principalement composée de fusiliers et canonniers marins défendant les casemates du front de mer, du personnel des services (Intendance, Santé, Matériel) et des états-majors du 85e corps d’armée et de la 244e division répartis dans les forts Saint-Jean, Saint-Nicolas et dans le quartier du Prado. Un point d’appui existe sur la colline de Notre-Dame de la Garde.

Le 21 août, les Tabors marocains du général Guillaume se heurtent au centre de résistance d’Aubagne et le CC1 du colonel Sudre au point d’appui de Cadolive. Le deuxième groupe de Tabors du colonel de La Tour, appuyé par le groupe Duvoisin du 69e Régiment d’Artillerie, s’empare d’Aubagne après de durs combats qui dureront tout l’après-midi du 21 et la nuit qui suit. En même temps, le 1er groupe de Tabors du colonel Leblanc enlève Cadolive et le 3e groupe du colonel Massié-Dubiest nettoie la région du camp de Carpiagne. Pendant ce temps, les 2e bataillon (commandant Bié) et 3e bataillon (commandant Finet-Duclos) du 7e régiment de tirailleurs algériens (colonel Chappuis) contournent le centre de résistance d’Aubagne et parviennent à Allauch à 4 kilomètres de Marseille, où une population enthousiaste les accueille.

Le 22 août, une délégation de FFI vient annoncer au général de Monsabert que Marseille s’est soulevée, mais les patriotes marseillais sont peu nombreux et mal armés, ils réclament le secours de nos troupes. À la tombée de la nuit, les bataillons du 7e RTA et les blindés du CC1 atteignent les lisières de Marseille au nord et à l’est sous les acclamations d’une foule déchaînée.

Le 23 août, les tirailleurs et blindés que rien n’arrête défilent sur la Canebière à 10 heures, le général de Monsabert s’installe à l’hôtel de commandement de la région militaire. Les canons allemands commencent à réagir.

Le général Schaeffer se trouve à la poste, défendue par 200 Allemands; le colonel Chappuis obtient de lui, par téléphone, qu’il rencontre le général commandant la 3e DIA. Une trêve est alors convenue, qui dure ce jour-là de 15 à 19 heures, mais les pourparlers ne donnent rien. Tout le 7e RTA, le CC1, les Tabors sont dans la ville, aspirés par la Résistance.

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Le retour à Toulon. Défilé des troupes devant les autorités. De gauche à droite: Al Jaujard, Al Auboyneau, M. Arnal, maire, Al Lambert, Al Lemonnier, M. Jacquinot, ministre, les amiraux Cunningham RN, Hewitt et Davidson USN (RFL).

Le 24 août, le III/7e RTA tente de réduire les casemates de Racati et Belle de Mai qui résisteront jusqu’au 26 août.

Le 1er GTM et le 117e RTA luttent au nord contre les casemates de Foresta, Tanto Pose et le Moulin du Diable qui tiendront jusqu’au 27 août. Le 25, l’assaut est donné sur la colline de Notre-Dame de la Garde en subissant quelques salves, et le 3e RTA, qui arrive de Toulon, vient à bout de cette résistance et nettoie complément la région.

La 27 août à 20 heures, l’ordre de « cesser le feu » est donné et, après une suspension d’armes jusqu’au lendemain le général Schaeffer signe la capitulation de la place.

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Ainsi, en moins de dix jours, l’armée B gagne la bataille de Provence, en avance d’un mois sur les prévisions du haut-commandement allié. Celui-ci dispose des ports de Marseille et Toulon qui, malgré les terribles destructions opérées par les Allemands, recevront dès le 15 septembre les premiers liberty ships chargés de renforts et de logistique.

Le général de Lattre envoie le commandant de Camas à Alger faire hommage de sa victoire au général de Gaulle. Il y croisera le général de Larminat, qui avait demandé le 23 août à être déchargé de sa mission de coordination des actions menées par la 1re DFL et le groupement Magnan.

Le 26 août, Monseigneur Spellmann, archevêque de New York, et l’ambassadeur Robert Murphy rendent visite au général de Lattre ; ils souhaitent se rendre auprès de la division qui a fourni le plus gros effort dans cette bataille. Monseigneur Spellmann, dira, à la 1re DFL, une messe « à l’intention de la France » et priera pour les 920 hommes de la division tombés dans ces combats.

Extrait de la Revue de la France Libre, n° 287, 3e trimestre 1994.