Le colonel Mallet

Le colonel Mallet

Le colonel Mallet

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Le lieutenant-colonel Richard Mallet, Brazzaville, décembre 1940 (RFL).

Ses obsèques ont eu lieu le 7 septembre dans sa propriété de Meyriers, par Morat (Suisse). Le général de Larminat représentait le général de Gaulle et l’association, le général Dassonville représentait le général Kœnig.

Tous les Français libres du Moyen-Orient, les anciens de la 1re D.F.L. et de la 2e D.B. connaissaient bien la noble figure du colonel Mallet qui avait rallié le général de Gaulle dès juin 1940, avec ses deux fils. Ils se souviendront toujours du dévouement inlassable avec lequel il a poursuivi et mené à bien la pieuse tâche de retrouver, identifier et réunir en de beaux cimetières tous les morts de la France Libre, de l’Égypte à la Tunisie.
L’association adresse aux siens et particulièrement au lieutenant Pierre Mallet, l’expression de sa sympathie attristée et de sa fidèle amitié.
Le général de Larminat a prononcé sur la tombe du colonel Mallet les paroles suivantes :
« Je viens dire ici un dernier adieu au colonel Mallet, au nom de cette armée française où il a tant et si bien servi son pays, au nom du général de Gaulle à l’appel duquel il fut l’un des premiers à répondre au nom des Français libres auxquels il s’est tant dévoué.
« Certes, le colonel Richard Mallet était un patriote ardent, un beau soldat, et il fit preuve de ces vertus à un degré éminent au cours des deux guerres mondiales.
« Au cours de la guerre 1914-1918, il rendit les plus signalés services particulièrement dans la formation et le commandement des unités automobiles françaises et américaines. Il fut blessé et cité.
« En juin 1940, il ne pouvait accepter la défaite, la soumission au vainqueur du jour, tant qu’il restait une chance, un espoir, si faibles fussent-ils, de lui arracher par les armes sa précaire victoire. Soumis aux plus hautes lois spirituelles et morales, le colonel Mallet ne pouvait se soumettre à la force crue et barbare qui prétendait ne se justifier que par le succès. Sa tradition, sa formation, son tempérament protestaient contre un tel abus. Son caractère lui fit prendre le parti du risque et du combat.
« C’est ainsi qu’il donna l’exemple magnifique d’un homme de 62 ans venant se mettre à la disposition du général de Gaulle, lui amenant son plus jeune fils à peine sorti de l’enfance, cependant que son fils aîné, planteur au Cameroun, était l’un des actifs artisans du ralliement de ce territoire à la France Libre.
« Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de cas, en cette époque de désarroi de juin 1940, d’une pareille fermeté, d’une telle lucidité, d’une abnégation aussi totale, de la part d’une famille toute entière. Le nom de Mallet mérite certes d’être honoré entre tous pour une aussi noble attitude. Et cet honneur rejaillit sur le chef de famille qui sut former de tels enfants et les guider, les accompagner, les soutenir sur la voie du devoir et du sacrifice.
« Le colonel Mallet fut d’abord employé en de nombreuses et diverses missions où furent utilisées ses compétences de forestier, d’ingénieur des poudres, et surtout son excellente connaissance de la langue et des milieux britanniques. Il rendit aussi de signalés services à la France Libre, se dépensant sans compter en de longs et pénibles déplacements sous de durs climats.
« Le 11 juin 1942, son fils aîné, le capitaine Horace Mallet, tombait glorieusement au cours de la sortie de vive force de Bir-Hakeim. Dès lors, le colonel Mallet se consacrait à la pieuse tâche de rechercher les corps des nôtres, qui, déjà nombreux, jalonnaient le désert de Libye, les identifier, les réunir et leur élever des monuments dignes d’eux. Sans relâche, il parcourut les champs de bataille de Bir-Hakeim, d’El Alamein, plus tard de Tunisie, sans souci des risques courus au milieu des champs de mines non signalés et des projectiles de toute sorte non éclatés et certaines de ces missions furent marquées de tragiques accidents.
« Il s’était donné tout entier à cette œuvre de pitié. En mars 1943, le cimetière de Bir-Hakeim était achevé, et dans le désert de Libye un sobre et beau monument dominait les tombes des braves qui avaient payé de leur vie une victoire qui avait étonné le monde, déconcerté l’ennemi, fait tressaillir la France d’allégresse et de fierté. Le cimetière d’El Alamein, puis celui de Takrouna en Tunisie, étaient à leur tour édifiés. Grâce au colonel Mallet, la gloire et les sacrifices des Français libres en Afrique du Nord étaient dignement commémorés. Surtout, grâce à lui, les familles éprouvées auraient la consolation de connaître le lieu de repos de leur fils, leur père, leur époux, de pouvoir se recueillir sur leurs tombes, et obtenir le retour de leur corps. C’est une œuvre de charité très haute qui a été ainsi réalisée, et tous les Français libres en gardent au colonel Mallet une profonde reconnaissance.
« La fin de la guerre, la démobilisation, n’avaient en rien modifié le cours de ses travaux. Volontaire dès 1940, il restait volontairement au service de la mission qu’il s’était fixée. Au printemps dernier encore, il partait pour Bir-Hakeim diriger les exhumations des corps à rapatrier et conduisait en France leur convoi.
« Chemin faisant, il avait été durement touché à plusieurs reprises : son second fils Jean-Pierre recevait en Italie une terrible blessure et il devait alors engager contre la mort une lutte acharnée et longue pour le sauver et voici moins d’un an que lui était soudainement enlevée la compagne de sa vie. Mais les coups du destin n’affaiblissaient en rien sa ténacité et son activité, ils semblaient le durcir encore dans sa résolution d’achever sa tâche.
« Les travaux et les peines, les luttes et les risques, le colonel Mallet les affrontait d’une âme intrépide et lucide. Les épreuves et les chagrins, il les acceptait avec un admirable stoïcisme. C’est un grand cœur, un grand caractère, un homme de bien et de devoir que nous perdons aujourd’hui.
« Au nom du général de Gaulle, au nom des compagnons d’armes du colonel Mallet, qu’il a tant aimés et aidés, qui tous éprouvent pour lui affection, admiration et gratitude, j’exprime à ses enfants, à ses petits-enfants, à tous les siens, une sympathie profonde attristée, des sentiments de durable amitié.
« Mon Colonel, vous avez été pour nous un haut exemple et un précieux adjuvant, vous vous êtes dévoué pour les nôtres, soyez-en remercié et béni. Votre souvenir vivra dans nos cœurs.
Général de Larminat
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 12, octobre-novembre 1948.