Candia-Héraklion
Dans le cadre d’une vaste opération coordonnée menée par le Special Air Service, contre les aérodromes ennemis situés près des côtes en Cyrénaïque, il a été décidé de la compléter par l’attaque en Crète de l’aérodrome de Candia-Héraklion, base de la I-LG1, escadrille de Junker 88 spécialisée dans l’attaque des convois auxquels elle porte des coups très durs.
David Stirling confie cette mission aux capitaines George Jellicoe et Georges Bergé, lequel choisit Jacques Mouhot, Pierre Léostic et Jack Sibard pour cette opération. Le lieutenant crétois Petrakis, des services spéciaux, se joindra à eux en civil.
L’instruction « top secret » de l’état-major précise que l’aérodrome de Candia devra être attaqué dans la nuit du 12 au 13 juin et qu’il le sera par voie maritime. C’est ainsi que le groupe embarque le 7 juin à Alexandrie sur le sous-marin Triton (vieux sous-marin français, vendu depuis longtemps à la Grèce), pour être débarqué au large de la côte nord de l’île de Crète dans la nuit du 10 au 11 juin. Il rejoindra le rivage avec des canots pneumatiques. C’est ainsi que par une mer calme, les embarcations abordèrent l’île dans une crique située près de Mallia, loin de la plage de Karteros prévue, beaucoup plus proche de l’objectif. Cela imposait une longue marche à entreprendre sans repos avec de lourdes charges, afin d’être aux approches de l’aérodrome à temps pour procéder à l’indispensable observation des lieux avant l’attaque.
Le 12 en fin de journée, parvenus à une colline boisée dominant l’aérodrome, Georges Bergé et George Jellicoe décident d’effectuer une courte reconnaissance du parcours. Les obstacles rencontrés, qui devront être franchis de nuit, leur paraissent très risqués. Il faut trouver le moyen de les contourner. A leur retour au camp, ils annoncent qu’en conséquence le raid est reporté à la nuit suivante. La journée du 13 est mise à profit pour jalonner un trajet sécurisé et observer avec soin les emplacements des appareils comme des dépôts. De constater aussi que la base n’imaginant pas le moindre danger, semble s’activer sans inquiétude.
Petrakis laissé à la garde du campement, à 22 heures, les cinq SAS quittent les lieux, leurs sacs chargés de bombes avec des détonateurs réglés pour déclencher l’explosion après leur départ. L’armement est minimum : colt et poignards. Léostic et Mouhot sont porteurs de pinces pour cisailler les barbelés. Pendant leur arrêt d’observation d’une demi-heure, avant de pénétrer sur le terrain, ils ont pu assister au passage bruyant d’une patrouille de trois hommes se racontant leurs histoires. Il y aura peu à craindre de leur part.
Silencieusement, Bergé et Léostic d’un côté, Sibard et Mouhot de l’autre, déposent leurs provisions de bombes, Jellicoe se chargeant des dépôts. Deux heures du matin est l’horaire de repli au point de passage de l’aller. Tout se déroule sans encombre et ils ne sont pas loin de rejoindre Petrakis lorsque les explosions, qui se succèdent, leur apprennent leur succès. « Plus de trente », compte Bergé. 21 avions vont ainsi être détruits, ainsi que les dépôts de carburant et de bombes. La traque devant sûrement démarrer très vite, le groupe doit, en forçant l’allure, partir plein sud, puisque c’est sur cette côte qu’ils seront récupérés par un moyen qu’ils ignorent encore.
Une nouvelle nuit de marche et les six hommes ont traversé une bonne partie de l’île qui dans sa largeur ne fait qu’une cinquantaine de kilomètres. Les lieux sont peu fréquentés, l’activité paysanne y est faible. A l’abord d’une petite grotte, le groupe décide de s’y arrêter. Petrakis, connaissant la région, part avec Jellicoe pour reconnaître la zone d’attente où une vedette rapide ou un sous-marin viendra les chercher.
Bergé attend la nuit lorsque vers 18 heures, deux groupes d’Allemands, l’un arrivant de l’est, l’autre de l’ouest, sont repérés allant droit dans leur direction. Des bergers les ont dénoncés. Les SAS ne sont que quatre avec un armement dérisoire. Dans une telle situation, il n’y a qu’un objectif, tenir jusqu’à la nuit pour ensuite tenter de s’échapper. Ils se sont à peine déployés de part et d’autre de la grotte qu’un tir concentré de fusils mitrailleurs et l’explosion de grenades montrent que l’ennemi est décidé à les prendre morts ou vifs.
A 18 heures en Crète, au mois de juin, la nuit n’est pas proche. Les deux colonnes progressent. Léostic qui dispose de la seule mitraillette s’est déplacé un peu en avant pour atteindre un abri rocheux. Lorsqu’un groupe d’Allemands part à l’assaut, son tir fait mouche sur le premier et stoppe leur élan. Alors que d’un bond, il cherche à rejoindre Mouhot, il est fauché par une rafale. Bergé et ses hommes ne peuvent que se rendre, ils n’étaient pas armés pour se battre contre la Wehrmacht.
Après de longs interrogatoires, Bergé, Mouhot et Sibard sont transférés en Allemagne à Oberursel, près de Francfort. De là, les deux premiers sont envoyés à l’Oflag X-C près de Lübeck, d’où Bergé sera transféré à la forteresse de Colditz. De son côté, Jacques Mouhot fera trois tentatives d’évasion sanctionnées par l’envoi dans des camps de plus en plus difficiles. La quatrième fois, les Allemands ne le reverront plus. Il traversera l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Espagne pour se retrouver, cas unique, à Londres le 22 août 1943 soit un peu plus d’un an après avoir été capturé en Crète.