Bernanos a entendu l’appel, au Brésil
par Jean-Loup Bernanos
Bernanos apprend l’armistice dans un wagon de chemin de fer qui le conduit avec sa femme et moi à Bello Horizonte. Les voyageurs brésiliens se sont approchés de lui pour le réconforter et Bernanos a dit qu’ils lui avaient apporté la seule chose qui pouvait lui redonner du courage ; ils lui avaient dit : « L’Angleterre tiendra » ce qui voulait dire que la France aussi tiendrait.
Nous arrivons à Bello Horizonte. Le soir du 18 juin un peu avant dîner, nous nous installons dans le salon de l’hôtel et ma mère et moi nous écoutons le feuilleton qui passait tous les soirs pendant que mon père lisait les journaux. Les informations arrivent et la voix du speaker brésilien annonce le message d’un général français diffusé le jour même à Londres. C’était l’appel du 18 juin.
Je n’oublierai jamais la réaction de mon père. Cette guerre avait tellement marqué mes parents que c’était le sujet de conversation constant dans la famille. J’étais fort jeune, j’avais 7 ans, mais j’étais très au courant de ce qui se passait et des sentiments de mes parents à ce propos. Lorsque j’ai entendu l’appel, j’ai senti qu’il se passait quelque chose et j’ai regardé mes parents. Ma mère pleurait et mon père était extrêmement ému. C’est la seule fois où je l’ai vu aussi ému et bouleversé. Aussitôt après, il a cherché un moyen de parler à la radio, de faire savoir sa position, d’écrire dans la presse.
Jean-Louis Bernanos, extrait de « Témoignage », entretien accordé à la revue Espoir, n° 113, décembre 1997.