11 septembre 2015 In CNRD 2016 By Administrateur
À la manière de Victor Hugo
Dans son ouvrage, « l’Année honteuse », où l’on retrouve la corde d’airain qui vibrait dans « les Châtiments » et dans la « Légende des Siècles », Victor Hugo stigmatise :
Adolphe et Bénito, ces deux moitiés du Diable,
Porte clefs monstrueux de ce bagne effroyable
Qu’un continent est devenu.
On connaît trop le célèbre poème qui commence ainsi :
Hideux Pierre Laval lorsque vous empoignâtes
La France au col meurtri de vos mains auvergnates…
Nous avons préféré citer ici les « Sourires du printemps » et la « Chanson des Doreurs de pilule » qui forme un écho burlesque de la fameuse « Chanson des Doreurs de proue » (Légende des Siècles, II, 5.)
Ce livre est un acte
Ce livre est un acte. Mens agitat molem.
Sous ce gouvernement-caporal et sous cette constitution-consigne, la France étouffe, mais tout marche militairement.
Ah ! Armée de la République ! Armée qui a eu pour capitaines Carnot, l’austérité ; Marceau, le désintéressement ; Hoche, l’honneur ; Kléber, le dévouement ; Desaix, la vertu ; Bonaparte, le génie, tu es réduite aujourd’hui à Dentz, la collaboration ! Règle, discipline, humiliation, pénitence, silence dans les rangs, tel est le joug sous lequel courbe en ce moment la Nation de l’initiative et de la Liberté, la Grande France révolutionnaire. Le réformateur s’arrêtera quand la France sera assez caserne pour que Darlan dise : « À la bonne heure ! » et assez séminaire pour que Baudrillard dise: « C’est assez !… »
Le Maréchal a effacé de nos murs Liberté, Égalité, Fraternité. Il a eu raison. Il ne vous prend en traître cet homme. Il vous dit : « Français, vous n’êtes plus libres, la Gestapo est là ; ni égaux : les amiraux sont tout ; ni frères : la guerre civile couve dans vos rangs ».
Ici, la pensée hésite, la voix se tait, le cœur se serre.
Cet homme dit à la France qu’il l’a sauvée. Et de qui ? D’elle-même ! Depuis vingt ans, il y avait en France toutes sortes de choses pernicieuses : cette sonorité, la Tribune ; ce vacarme, la Presse ; cette insolence, la Pensée libre.
Il est venu, lui, et à la place de la Tribune, il a mis Darlan ; à la place de la Presse, il a mis la censure ; à la place de la Pensée, il a mis le sabre. Et de par Darlan, la censure et le sabre, la France est sauvée. Car qu’était-ce que la France, s’il vous plaît ? Une peuplade de bavards, de jouisseurs, de communistes, de démagogues. Il a fallu la lier, cette forcenée, la France, et c’est M. Laval qui lui a mis les poucettes.
Ah ! qu’est-ce que c’est que ce spectacle-là ? Qu’est-ce que c’est que ce cauchemar-là ? D’un côté, une Nation, la première des nations ; de l’autre, un homme, le dernier des hommes ; et voilà ce que cet homme fait à cette nation ; chaque fois que M. Laval crache, il faut que tous les Français s’essuient le visage !
Mais on sortira de cette torpeur qui pour un peuple est la Honte. Et quand la France, Lazare prodigieux, sera réveillée, quand elle ouvrira les yeux sous le suaire dont ils l’ont couverte, quand, rejetant son linceul, elle verra ce qu’elle a devant elle, et à côté d’elle, elle reculera devant ce monstrueux forfait.
Alors, l’heure suprême sonnera et, livides, les traîtres verront surgir du caveau la Patrie ressuscitée.
Sourires du printemps
Le Maréchal a dit dans son discours d’Annecy (23 septembre 1941) : « Je respire un renouveau »
(Les Journaux).
Ils ont donc fusillé ce matin douze otages,
Douze innocents. Paris, pleins d’obscurs sabotages,
N’est plus qu’une hideuse et confuse prison
Où le peuple traqué gronde à la trahison.
De la Ville-Lumière ils ont fait des ténèbres
Que parcourt le fracas des patrouilles funèbres.
Ils sont le crime, ils sont la honte, ils sont la mort.
La croix gammée ainsi qu’un serpent qui se tord
D’un noir fourmillement couvre la France blême.
Le Peuple s’interroge et doute de lui-même
Devant les je m’accuse et les confiteor
Que l’Amiral Darlan, valet galonné d’or,
Te voudrait arracher, ô sainte République !
Et pendant ce temps-là, toute une sombre clique,
Un effroyable amas de Lavals, de Scapins,
Mêlant les Baudrillards avec les turlupins,
Unissant le jocrisse et le Robert Macaire,
Équipe où l’amiral trinque avec le sicaire,
À qui Tartuffe eût dit : Bien ! et Judas, Bravo !
Impose la famine avec l’ordre nouveau.
À Paris, on massacre, à Vichy l’on moucharde ;
Autour du Ministère, on redouble la garde
L’occupant généreux prête sa gestapo
Parce que ces gens-là frissonnent pour leur peau,
Inquiets de sentir la France qu’on bâillonne,
Farouche, s’agiter de Dunkerque à Bayonne,
La France, ce lion morne, saignant, vaincu
Sur qui, sinistre essaim de mouches abattu,
Dans cette pestilence et dans ce crépuscule,
Le Bouthillier bourdonne et le Pucheux pullule !
Et c’est devant cela, devant nos murs noircis,
Nos captifs par milliers hâves, blêmes, transis,
Devant Metz allemand, devant Tours en ruines,
Devant les pelotons, les fers, les guillotines
Que manœuvre un troupeau d’esclaves commandés,
– (Ô Forêts, frais talus, prés verts, vous entendez ?)
C’est devant tout cela, cris d’enfants, pleurs de mères,
Que viennent l’adorer ses préfets et ses maires
Et que les Te Deum lui montant au cerveau,
Le très vieux Maréchal respire un renouveau !
Chanson des doreurs de pilules
Nous sommes doreurs de pilules,
Nous transformons les crépuscules
En aubes pour la Nation.
Le peuple songe à sa défaite,
Mais nous, nous célébrons la fête
De la Collaboration.
L’invasion décrit des courbes,
Les nazis, tortueux et fourbes,
Massacrent et pillent, dit-on.
Nous, nous disons : « C’est l’Angleterre
Qui nous réduit à la misère
Et non pas notre ami teuton ! »
Nous sommes une belle équipe :
Darlan joyeux, fumant sa pipe,
Nous guide : après le grand Flandin ;
Pierre Laval est notre maître,
Nous avons Judas pour ancêtre
Et Quisling pour cousin germain.
Nous sommes doreurs de pilules :
Armés de points et de virgules
Nous corrigeons qui mal parla ;
Nous triomphons dans l’euphémisme
Et rendons en jésuitisme
De nombreux points à Loyola.
Vous pensez la France meurtrie ?
Famille, Travail et Patrie
Sont plus prospères que jamais !
Nos prisonniers en Allemagne ?
Ils s’y trouvent à la campagne
Et nous reviendront le teint frais !
Hitler, qu’on traitait de sauvage
Et qu’on insultait avec rage,
Est un doux végétarien :
S’il incendia Varsovie,
S’il tient encor Prague asservie,
Soyez sûrs que c’est pour leur bien.
Pour nous, les doreurs de pilules,
De la Tamise à la Vistule,
Un seul pays doit exister.
Pourquoi faire le misanthrope ?
Les vrais États-Unis d’Europe,
Hitler va nous les cimenter.
Dans cette union, chaque race
Aura son travail et sa place :
Seigneur Nazi commandera,
Les Polonais dans les usines
Et les Tchèques au fond des mines
Feront tout le labeur ingrat ;
Et nous, Français, aurons la chance
De pouvoir placer à la France
Sur le ventre, un petit jardin :
C’est là, disons-le sans mystère,
Le dernier retour à la terre
Dont rêve notre bon Pétain.