Le rôle du SAS et des Jedburghs en Bretagne à l’été 1944

Le rôle du SAS et des Jedburghs en Bretagne à l’été 1944

Le rôle du SAS et des Jedburghs en Bretagne à l’été 1944

Du début de juin à la mi-août 1944, les Français du 2e régiment de chasseurs parachutistes (2e RCP) du commandant Bourgoin, intégrés à la brigade Special Air Service britannique sous le nom de 4th SAS, sont engagés en Bretagne, dans le cadre de l’opération Overlord, afin de retarder l’intervention des troupes ennemies stationnées dans la péninsule sur le front de Normandie. Dans cette opération, la Résistance intérieure bretonne, faute de renseignements suffisants, est considérée comme une force d’appoint hypothétique. Le plan se décline en quatre phases.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, quatre sticks précurseurs du 4th SAS sont parachutés pour prendre contact avec la Résistance bretonne et d’évaluer sa valeur militaire. Si elle leur paraît apte au combat, il est prévu de créer deux bases codées « Samwest » dans les Côtes-du-Nord et « Dingson » dans le Morbihan.
Dans un deuxième temps, d’autres sticks du 4th SAS sont largués par échelons successifs sur ces deux bases, où ils réceptionnent les containers d’armes, munitions et autres matériels, et assurent l’armement et l’instruction militaire des bataillons de la Résistance intérieure. En retour, ils renseignent l’état-major de la brigade SAS sur l’évolution des bases et leurs besoins logistiques.
Parallèlement à la formation de ces deux centres mobilisateurs, dix-huit groupes de deux à cinq hommes du 4th SAS sont parachutés dans la nuit du 7 au 8 juin, sous le nom de code Cooney-Parties, sept dans les Côtes-du-Nord, quatre en Ille-et-Vilaine, deux en Loire-Inférieure et cinq dans le Morbihan pour saboter les points névralgiques des réseaux ferroviaires et détruire les réseaux de communication de l’ennemi.
Enfin, l’échelon motorisé du régiment est envoyé à l’approche des forces armées alliées, les jeeps du SAS devant sécuriser les axes routiers vers les rades bretonnes et mener des patrouilles d’éclaireurs aux missions de reconnaissance des divisions alliées.
Indépendamment de cette opération, quatorze des quatre-vingt douze équipes Jedburghs parachutées en France le sont en Bretagne, entre juin et août 1944 (1). Leur mission est d’armer les maquis, de leur enseigner la guérilla et de coordonner leurs mouvements avec les directives du haut-commandement allié. Dans les Côtes-du-Nord, l’équipe Frederick est parachutée le 9 juin au soir, Felix dans la nuit du 8 au 9 juillet, Daniel dans la nuit du 4 au 5 août. Entre le 8 et le 18 juillet, Gerald est infiltrée dans le Morbihan ; Guy et Gavin en Ille-et-Vilaine ; Giles, Francis, Gilbert, Hilary et Horace dans le Finistère. Début août, Ronald est envoyée dans le Finistère, Douglas dans le Morbihan. Parmi ces équipes, la plupart ont évolué hors des zones d’action du SAS ; seules les équipes Frederick dans les Côtes-du-Nord et George dans le Morbihan ont opéré de concert avec le 4th SAS.
Dans la nuit du 5 juin, embarqués à bord de deux Stirling du 620th Squadron du 38e groupe de transport de la Royal air Force, les sticks précurseurs des lieutenants Marienne et Déplante sont parachutés sur le Morbihan où, malgré un accrochage initial avec des éléments du 285e régiment de Géorgiens, ils prennent bientôt contact avec la Résistance locale, et installent la base « Dingson » à la ferme de la Nouette, quartier-général opérationnel de la Résistance du département, près de Saint-Marcel. Ceux des lieutenants Botella et Deschamps, largués sur les Côtes-du-Nord, créent la base « Samwest » dans la forêt de Duault, près de Carhaix, où ils assurent l’instruction de formations uniquement FTP.
Dans les jours qui suivent, les deux bases permettent l’armement et la formation de 10 000 résistants, environ 2 000 pour « Samwest » et 8 000 pour « Dingson » jusqu’à leur dislocation, à la suite d’une attaque ennemie, le 12 juin pour « Samwest » et le 18 juin pour « Dingson » (2).
Dans les Côtes-du-Nord, après l’attaque de la base « Samwest », le 12 juin, la plupart des hommes se replient vers « Dingson ». L’armement de la Résistance départementale est, dès lors, assuré par les Jedburghs de l’équipe Frederick. Parachutée dans la forêt de Duault dans la nuit du 9 au 10 juin, elle peut reprendre ses émissions vers Londres, après récupération de l’une des deux radios Jed-Set dissimulées lors de l’attaque du 12 juin, depuis un maquis établi à Peumerit-Quintin, à partir du 18 juin. Dans le même temps, elle renoue des liens avec les responsables FFI, FTP et Front national du département.
Toutefois, son action se trouve limitée en grande partie à l’ouest du département, d’autant que des résistants de l’est et du sud se tournent vers la base SAS « Grog », créée par les colonels Bourgoin et Morice après la dislocation de « Samwest » et installée dans l’ouest du Morbihan sous la direction du lieutenant Déplante, qui obtient une demi-douzaine de parachutages durant le mois de juin.
Muette après l’attaque, le 9 juillet, de la ferme où était installé l’état-major FFI départemental, et l’abandon, au cours de la retraite, de son matériel radio, l’équipe Frederick doit alors s’appuyer sur Pierre 4, un poste radio mis en place par Renaud et Lecudenec, deux opérateurs du SAS parachutés avec Botella et qui ont rejoint Déplante.
Parachutée sur « Samwest » la même nuit que l’équipe Frederick, la mission Wash, menée par le Squadron Leader Smith, officier de liaison de la brigade SAS auprès du 4th SAS, retrouve Déplante quelques jours après la dislocation de la base et, grâce à Pierre 4, entreprend d’étendre aux Côtes-du-Nord l’œuvre d’armement de la Résistance intérieure engagée dans le Morbihan par « Grog ». Smith rencontre le 30 juin des responsables FTP des Côtes-du-Nord, avec lesquels il projette trois parachutages à Plévin, Sainte-Tréphine et Saint-Martin-des-Près – parachutages dont les modalités sont fixées avec Frederick le 3 juillet -, et un autre d’Ille-et-Vilaine, qui en demande à Bain-de-Bretagne, au Sel-de-Bretagne et à Segré. Puis il se déplace vers l’est du département pour assurer un parachutage au Gouray.
Le 18 juillet, Smith confie la mission et sa radio au capitaine SAS de Mauduit, installé entre Mûr-de-Bretagne et Corlay. Après quelques semaines passées au sud-est de Loudéac, celui-ci part avec Créau et Violland dans la région de Corlay, où il est rejoint par Renaud et Lecudenec à la mi-juillet, et prend en charge l’armement et l’encadrement des bataillons du secteur.
A l’est des Côtes-du-Nord, quelques SAS – rescapés de « Dingson » et de « Samwest » et anciens des Cooney-Parties – interviennent surtout dans le quadrilatère compris entre Lamballe, Loudéac, Merdrignac et Dinan, multipliant les actions de guérilla – coups de mains, embuscades, sabotages – au sud-ouest de Dinan. Mais faute de poste radio émetteur, c’est par l’intermédiaire d’agents de liaison dépêchés auprès de Déplante, qu’ils obtiennent des armes, et ce, jusqu’à l’arrivée de Smith dans la zone le 7 juillet.
Aussi l’état-major FFI décide-t-il de confier ce secteur à une nouvelle équipe Jedburgh, Felix. Celle-ci est parachutée dans la nuit du 8 au 9 juillet, près de Jugon, avec douze containers. Après l’établissement d’une liaison radio avec Londres, cinq zones d’armement sont définies et sept parachutages organisés : le chargement de 67 avions est largué dans le secteur entre le 10 juillet et le début d’août, permettant d’armer 3 100 de ses 6 200 résistants.
Quant à l’équipe Daniel, larguée dans la nuit du 4 au 5 août dans le sud des Côtes-du-Nord pour prendre la charge la partie centrale du département, elle regagne l’Angleterre dès le 11 août.
Sylvain Cornil-Frerrot

Bibliographie
Michael R. D. Foot, « SAS dans le débarquement de Normandie, rôle des », dans François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (sous la direction de), Dictionnaire de la France Libre, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010, p. 1316-1317.
Yann Lagadec, « Entre l’état-major allié, la France Libre et la Résistance intérieure : les bases radio des forces spéciales dans les Côtes-du-Nord à l’été 1944 », dans Patrick Harismendy et Erwann Le Gall (sous la direction de), Pour une histoire de la France Libre, PUR, 2012, p. 125-142.
Olivier Porteau, « L’action combinée du 2e régiment de chasseurs parachutistes et de la Résistance bretonne dans le dispositif stratégique de l’opération Overlord », dans Patrick Harismendy et Erwann Le Gall (sous la direction de), Pour une histoire de la France Libre, PUR, 2012, p. 107-123.
Jacqueline Sainclivier, « Saint-Marcel », dans François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (sous la direction de), Dictionnaire de la France Libre, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010, p. 1304-1306.
Stéphane Simonnet, « Jedburgh, équipes », dans François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (sous la direction de), Dictionnaire de la France Libre, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010, p. 797-799.
1) Constituées généralement de trois officiers, britannique ou américain et Français, issus de l’OSS, du SOE et du BCRA, l’un d’entre eux intervenant en qualité d’opérateur-radio.

2) Après six assauts ennemis, entre 8 heures et 22 heures, les parachutistes du SAS se replient par stick dans la vallée de la Claie, tandis que les bataillons FFI reçoivent l’ordre de retourner vers leur secteur initial.