27 juin 2016 In CNRD 2017 By Administrateur
La punition des criminels avant même la fin de la guerre
Le contexte
Les principaux crimes nazis ont été commis à l’Est, en Pologne et sur le territoire de l’Union soviétique.
Avant même la fin de la guerre, les soviétiques entreprennent de juger les criminels nazis capturés lors de l’avancée de l’Armée Rouge. Dès les premières libérations de territoires à la fin de 1941, les collaborateurs de l’occupant sont traqués et sanctionnés sévèrement par les autorités soviétiques ; des centaines de procès à huis clos sont organisées dans les zones libérées.
Après la victoire de Stalingrad, le Kremlin adopta l’oukase du 19 avril 1943 « sur les mesures pour châtier les scélérats germano-fascistes, coupables d’assassinat et de tortures envers la population civile soviétique et les soldats de l’Armée rouge prisonniers de guerre, les espions et les traîtres à la Patrie », qui prévoit la pendaison comme plus haute sentence, plusieurs procès publics sont organisés, avec une grande médiatisation, dans l’objectif de forcer la main aux Anglo-américains, qui souhaitent attendre la fin de la guerre pour engager des poursuites judiciaires1 :
– le procès de Krasnodar (14-17 juillet 1943), dans le Kouban, contre neuf personnes qui avaient collaboré avec le Sonderkommando 10A2, rattaché à l’Einsatzgruppe D3, qui opérait aux arrières de la 11e armée allemande, en Bessarabie, dans le sud de l’Ukraine, en Crimée et dans le Caucase).
– le procès de Kharkov (15-19 décembre 1943), en Ukraine, contre un capitaine du contre-espionnage militaire en poste dans un camp d’internement, un lieutenant des SS membre de la police de sécurité du Reich et un collaborateur russe. Lors de ce dernier procès, Hans Kietz, commandant de la Gestapo de Kharkov, est condamné à mort avec les autres co-accusés et pendu.
– le procès de Lublin (27 novembre-2 décembre 1944), en Pologne, contre six gardiens SS et kapos du camp de concentration de Majdanek.
À vocation politico-pédagogique, ces procès taisent le caractère juif de la plupart des victimes et relèvent de la parodie de justice, ce qui les situe dans le droit fil des procédés des années trente.
À chaque fois, le procès est filmé et les images sont diffusées largement.
Les crimes allemands sont innombrables
« Les crimes allemands sont innombrables », Le Télégramme de Brest & de l’Ouest, n° 41, samedi 4 et dimanche 5 novembre 1944.
La Commission extraordinaire de l’État, de son nom complet « Commission extraordinaire de l’État, chargée de l’instruction et de l’établissement des crimes des envahisseurs allemands-fascistes et de leurs complices et des dommages causés par eux aux citoyens, aux kolkhozes, aux associations de citoyens, aux entreprises publiques et aux institutions de l’URSS », et en abrégé « ChGK », a été instituée par décret du Præsidium du Soviet suprême le 2 novembre 1942, afin d’assurer l’«inventaire complet des crimes et méfaits des nazis, des dommages causés par eux aux citoyens soviétiques, à l’État socialiste, l’établissement de l’imputabilité de ces crimes à des individus allemands-fascistes, à l’effet de les traduire en justice pour fixer leur châtiment ; l’unification et l’harmonisation de ces questions a déjà été menée par les organes de l’État soviétique ».
L’Armée Rouge est entrée dans Kiev le 6 novembre 1943, dans Minsk le 3 juillet 1944 et dans le camp d’extermination de Majdanek le 22 juillet 1944.
Camp de prisonniers à son ouverture en octobre 1941, Majdanek a pour particularité d’être placé sous le contrôle des Waffen-SS et de fournir de la main d’œuvre aux usines d’armement SS. Il est transformé en camp de concentration le 16 février 1943. Les premiers internés sont des opposants politiques polonais, des juifs polonais et des prisonniers de guerre russes. Puis il reçoit des juifs en provenance de Slovaquie, du Protectorat de Bohême-Moravie, des Pays-Bas, de Belgique, de France et de Grèce. On estime qu’environ 500 000 personnes sont passées par Majdanek ; 360 000 ont été assassinées, dont 125 000 juifs. Liquidé en juillet 1944, le camp ne peut être entièrement détruit ; les nazis entraînent près de 1 000 déportés dans les marches de la mort. Toutefois, à leur arrivée, le 22 juillet, les Russes trouvent plusieurs centaines de survivants.
Coll. Fondation de la France Libre
Six criminels des SS vont être jugés
« Six criminels des SS vont être jugés », Le Télégramme de Brest & de l’Ouest, n° 62, mercredi 29 novembre 1944.
Au début d’août 1944, en accord avec les autorités soviétiques, le Comité polonais de Libération national (PKWN), dit Comité de Lublin, instance gouvernementale provisoire fantoche constituée le 23 juillet, à l’initiative de l’URSS, pour administrer les territoires polonais conquis aux Allemands, crée à Lublin une commission extraordinaire polono-soviétique pour enquêter sur les crimes commis au camp de Majdanek. Les documents recueillis par cette commission ont formé la base de l’acte dʼaccusation contre les nazis arrêtés à Lublin lors de la prise de la ville et traduits en justice lors du procès de Lublin (27 novembre-2 décembre 1944).
Quatre SS du camp de Majdanek sont concernés : le SS-Obersturmführer Anton Thernes, chef adjoint de la division IV, le SS-Hauptscharführer Wilhelm Gerstenmeier, de lʼadministration du camp des travailleurs, le SS-Rottenführer Hermann Vogel et le SS-Rottenführer Theodor Schöllen, tous deux gardes, ainsi que deux kapos : Edmund Pohlmann et Heinz Stalp.
Les six accusés plaident non coupable. La procédure à l’encontre de Pohlmann cesse le 30 novembre 1944 en raison de son suicide. Les cinq autres accusés sont condamnés à mort et pendus publiquement à Majdanek le 3 décembre 1944.
La Potence et la croix gammée (Swastyka i Szubienica), film polono-soviétique de Kazimierz Czynski, d’une durée de 20 minutes, montre le procès et le supplice des six condamnés. Il a été diffusé en 1945.
Coll. Fondation de la France Libre
45 000 déportés sont morts au camp de Thereskontad
« 45 000 déportés sont morts au camp de Thereskontadt », Le Télégramme de Brest & de l’Ouest, n° 209, mardi 29 mai 1945.
Le camp de concentration de Theresienstadt, orthographié « Thereskontadt » dans l’article, est un ghetto juif et un camp de transit situé dans les Sudètes, en République tchèque. Il est utilisé par la propagande allemande pour camoufler la véritable destination des déportations. En juin 1944, les nazis y autorisent une visite de la Croix-Rouge, qui donne lieu à une vaste mise en scène.
Les Allemands en ont transféré le contrôle à la Croix-Rouge le 3 mai 1945, avant l’entrée des Soviétiques, le 8 mai. Sur 140 000 juifs transférés à Theresienstadt, près de 90 000 ont été déportés plus à l’est et environ 30 000 ont trouvé la mort dans le ghetto, principalement de maladie et de faim.
Coll. Fondation de la France Libre
1- Auparavant, il y avait déjà eu des procès, mais ils se déroulaient à huis clos. Nathalie Moine, « La commission d’enquête soviétique sur les crimes de guerre nazis : entre reconquête du territoire, écriture du récit de la guerre et usages justiciers », Le Mouvement Social, n° 222, 1/2008, p. 81-109.
2- Commando spécial 10A.
3- Groupe d’intervention D.
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