Évasion d’Italie
En 1942, je participais à la campagne de Libye dans les rangs de la 22e Compagnie Nord-Africaine et c’est au cours du siège de Bir-Hakeim que j’ai été blessé et fait prisonnier.
Le 13 septembre 1942 je me suis retrouvé au camp de prisonniers de Bergamo (près de Milan), puis à l’hôpital de cette ville pendant six mois. Après guérison, j’ai pu m’évader le 13 septembre 1943.
Cette évasion du camp hôpital a été d’une extrême simplicité parce qu’elle avait été préparée minutieusement. Il s’agissait de placer un banc en bois de 4 mètres environ sur les barbelés pour passer de l’autre côté, entre deux sentinelles, vers 2 heures du matin.
Avec l’aide d’un camarade F.F.L., hospitalisé comme moi, mais qui n’a pu malheureusement me suivre, le coup réussit (…).
Vu les renseignements, il ne m’était pas possible de gagner la Suisse, proche de 40 kilomètres. C’était trop gardé. Je ne pouvais non plus gagner la France (160 kilomètres) parce que j’étais recherché comme condamné à mort par Vichy depuis 1941, comme beaucoup des nôtres et radié de mon administration. Mon plan était établi de manière en partant seul, à me porter à la rencontre des troupes alliées qui, après avoir pris pied sur le sol de la Sicile, commençaient à débarquer dans le Sud de l’Italie.
Et ainsi, je suis parti non à la dérive, tout le long des « Appeninni », en haut des crêtes vers le sud. À ce moment, la route s’avérait longue et je ne savais quand je pourrais joindre nos troupes amies.
Les bergers italiens m’ont ravitaillé tout le long du trajet. À un certain moment j’ai pu prendre un train de marchandises qui m’a déposé en plein Rome.
C’était le 15 octobre 1943. Je me suis perdu dans la ville envahie par les troupes allemandes. J’ai couché sous les arches du Colisée. Enfin, j’ai pu gagner les champs et jardins de Rome. Alors j’ai commencé à être à mon aise et me reposer quelques jours.
Le front allié se précisait au sud. Il fallait y arriver. Je me remettais en route par les villages de Poli, Palestrina puis Cassino, cette fois avec deux déserteurs siciliens qui cherchaient à gagner leur village natal. Mais les Allemands avaient déjà préparé leur plan de défense en certains endroits et notre odyssée devenait, périlleuse. C’est ainsi qu’un des Siciliens qui m’accompagnaient devait sauter sur une certaine mine et était blessé assez sérieusement. En outre, les Allemands déclenchaient un tir nourri dans notre direction. Il a fallu rebrousser chemin et se réfugier dans les jardins d’un village à 15 kilomètres en arrière. Alors là, nous n’avons pas bougé. Trois Anglais et un Sud-Africain évadés sont venus se joindre à nous. Eux non plus n’avaient pu passer la ligne. Il fallait attendre et repérer. C’est ce que nous avons fait. Nous avons décidé de prendre nos quartiers d’hiver et prévoir des provisions, ce qui a été fait.
Nous avions d’ailleurs choisi plusieurs points de chute pour dormir et nous camoufler dans un rayon de 5 kilomètres, car les Allemands, de temps à autre, se livrait à la fouille systématique du terrain et à la « chasse au lapin ». C’est lors de l’attaque par les Alliés sur Cassino, fin avril 1944, que tous ensemble, nous avons pu joindre nos troupes. En ce qui me concerne, c’est l’ex-capitaine de Guillebon, officier de liaison près les troupes Sud-Africaines à l’époque, qui m’a recueilli et dirigé sur le centre des évadés français de Naples.
Désiré Verniolle
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 119, juin 1959.