Cufra : première victoire française libre
Le 10 mars 1941, le colonel Leclerc arrachait la reddition de la forteresse d’El Tag, clef de voûte d’un système militaire englobant l’oasis de Cufra et l’aérodrome d’El Giof.
Pour maintenir enfoncé dans les flancs de l’ennemi l’épieu redoutable que constituait cet ensemble défensif, base à la fois d’avions et de colonnes motorisées, une garnison mixte franco-britannique sous commandement français y prit ses quartiers.
Elle y devait demeurer jusqu’à ce que les forces de l’Axe eussent été définitivement basculées hors d’Afrique, dans les eaux du cap Bon.
Depuis lors, une petite garnison veille sur nos morts groupés dans un cimetière émouvant de simplicité, sur l’esplanade du fort, face à la direction d’où vint Leclerc.
Demain peut-être, les couleurs françaises et la flamme de combat à croix de Lorraine seront-elles amenées et l’étendard du Senoussi hissé…
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Il convenait donc, en ce dixième anniversaire d’évoquer une fois encore cet éclatant fait d’armes des Forces françaises libres, le premier à avoir été exécuté à partir d’un territoire français, par des troupes françaises sous commandement exclusivement français.
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Le 11 février 1941 le général de Gaulle pouvait enfin opposer aux maquignonnages éhontés de Vichy et à son immobilisme coupable l’ardeur loyale des Français libres partis à l’assaut de l’ennemi…
Il paraît que, sous le régime de l’infaillibilité, de la collaboration et de la révolution nationale, on vient, pour la huitième fois en sept mois, de changer la composition de ce qu’il est convenu d’appeler le gouvernement de Vichy.
Il paraît que ce huitième changement s’est produit dans le tumulte d’une querelle entre trois politiciens, chacun briguant la première place. L’affaire serait provisoirement réglée.
L’un des trois déclare se retirer faute de pouvoir, affirme-t-il, collaborer actuellement avec l’ennemi dans l’honneur et dans la dignité. En somme, il a, pour le moment, renoncé à construire un cercle carré.
Un autre a refusé, dit-on, de figurer dans l’équipe, parce qu’il n’y serait pas le premier et ne pourrait, par conséquent, collaborer avec l’ennemi autant qu’il rêve de le faire.
Le troisième a donc pris la place. Je ne serais pas surpris que l’ennemi vît dans cet événement la meilleure solution pour ses propres intérêts car celui-là, qui porte l’uniforme, paraît le plus propre à camoufler sous l’équivoque l’infamie de la collaboration.
Les combinaisons de Vichy, dont Berlin tient les fils, n’inspirent à la France entière que du dégoût et du mépris. Cependant, elles ont des conséquences parce qu’elles sont un élément dans le jeu de l’ennemi.
Ainsi le flot de la marée remue la boue du canal.
La grande bataille de Méditerranée se poursuit et s’étend. Tandis que nos Alliés britanniques, aidés par des troupes françaises, viennent de chasser les Italiens de la Cyrénaïque, et pénètrent de toutes parts en Abyssinie, tandis que nos troupes du Tchad opèrent victorieusement en Libye du Sud, tandis que la flotte anglaise bombarde Gênes à son gré, l’ennemi prépare sa riposte aux deux extrémités de la Mer latine.
Dans les Balkans, l’ennemi met en place ses troupes et son aviation d’attaque, pour s’ouvrir la route de l’Orient. Il sait que la Syrie française pourrait jouer un rôle capital. Il entend donc la neutraliser avant de la conquérir.
En Afrique du Nord française, l’ennemi, pour accentuer l’infiltration qu’il a commencée, veut neutraliser notre force, jusqu’à ce qu’il puisse sur place parler en maître et en vainqueur.
Sur la mer, l’ennemi veut maintenir notre flotte dans l’inaction pour m’empêcher de remporter la grande victoire navale française qui s’offre à elle aujourd’hui.
Cette passivité mortelle de notre flotte et de notre empire, c’est par Vichy que l’ennemi la fait prescrire. L’épouvantable équivoque de l’infaillibilité, de la collaboration, de la révolution nationale, neutralise pour le compte de l’ennemi les moyens qui permettraient à la France de gagner la bataille de Méditerranée en attendant qu’elle gagne la guerre.
C’est pourquoi, malgré la médiocrité ou l’infamie des personnages, les intrigues, disputes et changements qui se produisent à Vichy ont leurs conséquences terribles, parce que l’ennemi y participe.
C’est pourquoi rien n’est plus malfaisant que l’équivoque de l’obéissance à Vichy qui maintient dans l’inertie les armes méditerranéennes de la France en pleine bataille de la Méditerranée.
C’est pourquoi les Français libres redoublent en ce moment d’efforts afin de suppléer, dans la mesure du possible, à ce qui manque à la France pour remporter, elle aussi, la victoire. En ce moment même, je le dis sans phrases, mais non sans fierté, nos troupes appuyées par notre aviation sont engagées victorieusement au cœur des oasis de Koufra, en Libye italienne, à 800 kilomètres de la frontière du Tchad d’où elles sont parties… Les combats continuent.
« Après la reconquête du Fezzan, l’unique zone de l’Hinterland libyen à n’être pas encore assujettie à notre souveraineté, était celle de Cufra, refuge ultime de l’autorité senoussiste et foyer de l’agitation rebelle.
En conséquence, le 31 juillet 1930, nos avions s’envolèrent de la Cyrénaïque pour aller bombarder Tazerbo. Ensuite, la décision d’occuper Cufra ayant été prise, des reconnaissances automobiles furent exécutées pour se rendre compte des accès de la zone.
Il fut décidé de constituer :
– une colonne principale comprenant un ensemble de détachements sahariens, une section d’artillerie à chameaux, deux compagnies d’Érythréens, une compagnie d’auxiliaires du Mogarb, un escadron de blindés et d’aviation. En tout 1.500 fusils, 1.550 chameaux, 46 mitrailleuses, trois canons, 1.700 hommes, 3.200 chameaux de bât, 270 automobiles.
Cette colonne viendrait de Cyrénaïque sur un itinéraire de 400 kilomètres ;
– une colonne secondaire comprenant un détachement saharien, une escadrille d’aviation. Au total environ 400 fusils, neuf mitrailleuses. Elle serait formée en Tripolitaine ;
– une colonne subsidiaire avec trois blindés, quatre automobiles de combat, 28 camions de transport, 15 mitrailleuses et 120 fusils, basée aussi en Tripolitaine.
Participait à l’expédition, en qualité de commandant en second de la colonne principale, Son Altesse le Duc des Pouilles.
Et, dans les derniers jours de décembre 1931, les trois colonnes se mirent ensemble en route pour rejoindre au prix d’une marche difficile dans le désert, les bases d’où elles devaient s’élancer pour le dernier bond : Bir Zighen par la Cyrénaïque, Tazerbo par la Tripolitaine.
Pour investir Cufra distant encore de 180 km, le vice-gouverneur de la colonie, le général Graziani qui avait assumé la direction de l’opération, partage en deux colonnes ses forces :
– l’une au départ de Tazerbo ;
– l’autre au départ de Bir Zighen.
C’est ainsi que ce mouvement commencé le 14 janvier s’acheva par la rencontre des deux colonnes le 18, à une journée de marche d’El Giof.
Le lendemain, les avions signalèrent que de nombreux hommes en armes se portaient de Cufra contre la colonne Tripolitaine. L’avant-garde s’engagea avec décision pendant que le gros de la colonne prenait ses dispositions de combat, cependant que la colonne de Cyrénaïque attaquait le flanc droit de l’ennemi. Les rebelles subirent de lourdes pertes et se mirent en fuite sur El Tag et El Giof poursuivis par nos méharistes et notre aviation.
Le matin du 20, les deux colonnes occupaient toute l’oasis de Cufra ; un sous-groupe saharien fut alors envoyé sur Maaten Bisciara, premier poste d’eau sur la voie du Tibesti.
L’ennemi comptait 200 morts et avait perdu les armes et munitions du Tag et d’El Giof.
Nous avions, de notre côté, perdu deux officiers et 18 indigènes.
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Cette brillante opération, à travers 600 kilomètres d’un désert absolu, marquait l’occupation effective de tout le territoire Libyen. Les couleurs italiennes étaient hissées sur Cufra par le maréchal Balbo, gouverneur général, le 23 janvier, marquant ainsi la fin de dix années d’une reconquête coloniale voulue avec fermeté, dirigée et achevée par le gouvernement fasciste de l’Italie nouvelle. »
(Traduction d’un document italien de l’époque).
L’attaque de l’oasis présentait de très grosses difficultés par suite de l’état abominable des pistes désertiques et des très grandes distances à parcourir pour amener à pied d’œuvre les ravitaillements nécessaires qui ne pouvaient être assurés que de Largeau et de Fort-Lamy, situés respectivement à 1.200 et 2.200 kilomètres Sud-Sud-Ouest de Koufra.
Par contre, cette attaque présentait un gros intérêt : intérêt politique et intérêt militaire, en raison de l’importance prise par l’aéroport dans le cadre de l’empire colonial italien.
Moyens. – La colonne formée à Largeau et aux ordres du colonel Leclerc comprenait :
– 25 camionnettes Bedford, élément « de manœuvre », aménagées au point de vue combat (quatre mitrailleuses, deux canons de 37 pouvant tirer sur voiture) ;
– une trentaine de camions Ford neufs ;
– des voitures Matford souvent très fatiguées par leur service courant à Largeau ;
– quelques Laffly d’artillerie, deux automitrailleuses Laffly, enfin une demi-douzaine de pick-up, de commandement.
Toutes ces voitures ne pouvaient emmener qu’un personnel réduit, une fraction importante du tonnage devant être réservée à l’essence et à l’eau.
Compte tenu de ces véhicules, la puissance de feu maximum (mortiers, artillerie) avait été donnée au détachement pour les raisons suivantes :
– les renseignements sur Koufra ne concordaient pas ; l’évaluation de la garnison oscillait entre 400 et 1.200 ;
– une reconnaissance photo aérienne, faisait ressortir l’importance des organisations du terrain d’aviation (six avions observés au sol).
L’intention initiale du colonel Leclerc fut donc de s’emparer au minimum du terrain d’aviation et de faire subir au fort du Tag le maximum de dégâts possible.
La colonne part de Largeau le 27 janvier.
Le 1er février 1941, au rocher de Toma, à mi-chemin entre Tekro et Sarra, le colonel Leclerc reçoit des renseignements. La patrouille anglaise du major Clayton rentre. Elle a eu le 30, un engagement très dur au djebel Chérif avec la compagnie saharienne. Le major, quatre voitures et leurs équipages ont disparu. Les survivants affirment qu’aucun camarade n’est resté indemne sur le champ de bataille. L’ennemi possédait des blindés et des canons de calibre important (environ 75 mm). Privée de son chef, la patrouille britannique demande à rentrer en Égypte, ce que le colonel Leclerc lui accorde immédiatement.
En même temps que ces désagréables nouvelles, un renseignement très récent, venu de l’arrière, confirmait la présence à Koufra d’une garnison de 1.200 hommes.
Devant cette situation, le colonel prend la décision suivante :
1) constitution avec les camionnettes Bedford, (60 Européens, 30 indigènes), d’une patrouille légère qui sera poussée sur Koufra ;
2) renvoi du gros de la colonne à Terko en position d’attente ;
3) maintien, à 15 kilomètres de Sarra, d’un détachement chargé de garder un dépôt d’essence et de remettre en état le puits détruit par les Italiens.
Le 7 février, la patrouille Bedford arrive à 7 kilomètres du fort d’El Tag, fouille l’oasis déserte, brûle un avion et détruit les ateliers d’aviation et les installations radio-gonio, puis, au jour, repart sur Sarra.
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Devant la réussite de cette audacieuse opération, le colonel Leclerc décide de reprendre le plan initial. Mais la remise en marche des éléments demande plusieurs jours, la pauvreté des moyens auto oblige à des réductions d’effectifs et un seul canon de 75 est emmené.
En comptant la patrouille légère, les troupes attaquantes comprendront au total :
– une centaine d’Européens et 300 indigènes ;
– 26 F.M., quatre mitrailleuses, deux canons de 37, quatre mortiers, un 75.
Le détachement est à pied d’œuvre, à Sarra le 16.
La colonne se met en route le 17. Le colonel Leclerc a pris personnellement le commandement de la patrouille Bedford.
À 15 heures, brusquement, dans un repli de terrain, à 1.200 mètres environ, les voitures de la compagnie saharienne apparaissent, arrêtées. Très vite la fusillade éclate ; l’ennemi dispose de balles traceuses et explosives d’un calibre assez élevé ; plusieurs Bedford commencent à flamber. Un débordement par la droite réussit. Au bout d’une heure trente environ, la compagnie saharienne est dans une situation difficile, attaquée à la fois sur trois côtés. Malheureusement la plupart de nos armes automatiques ne fonctionnent pas et l’ennemi réussit à décrocher.
Le 19, vers 6 h 30, les avions italiens font leur apparition. Ils attaquent sans interruption à la bombe et à la mitrailleuse, avec en permanence de sept à dix avions en l’air jusqu’à 11 heures.
Vers 8 heures, la compagnie saharienne et une escadrille d’avions d’accompagnement déborde l’oasis et attaque.
Mais, après un combat de deux heures, elle décroche en laissant des voitures en flammes.
En définitive, malgré une supériorité marquée en armement, nombre et matériel, la compagnie saharienne italienne a été manœuvrée et défaite à deux reprises sur un terrain qu’elle connaissait parfaitement, puis finalement mise en fuite.
Restait le fort du Tag situé sur un plateau rocheux, possédant d’excellents champs de tir et fortement tenu. En plus du fort proprement dit, le plateau qui l’encadrait était garni de nombreux emplacements enterrés pour armes automatiques reliés par téléphone et réalisant un plan de feux bien étudié.
Notre faiblesse numérique, imposait d’assiéger la place sans l’investir.
Le point d’appui de base choisi fut constitué par le quartier Nord-Ouest du village d’El Giof ; construits en dehors de toute palmeraie, les pâtés de maison de ce village permettaient une défense assez facile et les nombreux murs en terre constituaient pour les voitures la meilleure protection antiaérienne.
La tactique consistera désormais à harceler l’ennemi de jour et de nuit avec la pièce de 75, à le tenir en éveil par les feux d’un point d’appui pourvu de mortiers établi à 1.500 mètres au Nord-Ouest du fort ; enfin des patrouilles et des coups de main sont exécutés chaque nuit.
Le 25, le pavillon italien qui flottait jour et nuit est abattu par un coup de canon, il n’est jamais relevé. L’ennemi réagit au début par son aviation, effectuant un bombardement précis sur le P.C. du colonel (anciennement poste des carabiniers). Ses armes lourdes d’infanterie essayent d’interdire notre circulation de jour. Enfin, nos patrouilles créent de nuit une certaine nervosité se traduisant en déclenchement de barrages et débauche de grenades. Néanmoins, l’ennemi semble prendre la solution juste, développant et étendant de plus en plus ses organisations extérieures du fort.
Les communications radio entre l’Italie et Djeraboub passent par Koufra. Toute la nation italienne prodigue à Djeraboub les témoignages enthousiastes d’admiration. Cet exemple d’héroïsme n’incitera-t-il pas les défenseurs de Koufra à imiter ceux de Djeraboub ?
Le colonel Leclerc envisage, le 26, les mesures à prendre en cas de siège de longue durée.
Le colonel Leclerc avait dès le début pris contact avec tous les chefs indigènes leur apprenant en particulier l’importance et l’étendue des victoires britanniques. L’indifférence de la population vis-à-vis des Italiens, leurs maîtres d’hier, semblait véritablement totale ; pas un acte d’hostilité ne fut commis contre les troupes françaises. Entre les deux positions ennemies, la culture et l’irrigation des jardins continuaient. Chaque matin les habitants d’El Giof, redoutant les bombardements aériens, évacuaient bêtes et gens. Chaque soir, un grand nombre d’entre eux rentraient, ayant parfaitement saisi l’intérêt de la défense passive.
Les renseignements les plus variés et contradictoires, circulaient : une colonne ennemie d’une soixantaine de voitures était attendue de Hon, une compagnie saharienne était signalée dans les oasis, la garnison du fort serait prête à se mutiner…
Le 28, un indigène apportait au colonel Leclerc une lettre du chef italien, demandant qu’une entente réciproque mette les blessés des deux partis à l’abri du feu. Le colonel Leclerc lui fait répondre que de pareilles questions ne se traitent qu’entre officiers ; à 16 heures, un officier italien muni d’un drapeau blanc descend par la route.
Nos parlementaires ont reçu mission de tâter le moral de l’adversaire. L’entretien est long et utile. Le lieutenant italien finit par demander en confidence et « à titre purement personnel » quelles seraient, le cas échéant, les conditions de capitulation.
Cette fois, la situation est claire. L’ennemi ne tiendra pas. Dès la fin des pourparlers la reprise des tirs d’artillerie matérialise notre décision.
Le 1er mars, à l’aube, le drapeau blanc flottait sur un bastion du fort.
Le lieutenant italien Miliani, envoyé en parlementaire essaie d’ouvrir la discussion. Le colonel Leclerc brusque les choses, monte dans une camionnette Bedford, et, avec deux officiers et l’Italien, entre dans le fort.
Le 1er à 14 heures, la garnison italienne après avoir été passée en revue par le colonel Leclerc, évacue le fort.
Le 2 à 8 heures du matin, le drapeau français monte solennellement au grand mât. Une prise d’armes va clôturer cette émouvante cérémonie, au cours de laquelle est prononcé le serment fameux :
« Jurez de ne déposer les armes que le jour où nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ».
L’opération nous avait coûté quatre tués, dix blessés, quatre véhicules.
L’ennemi nous laissait près de 400 prisonniers, 12 officiers, 60 mitrailleuses, quatre pièces D.C.A.-D.C.B.
(Extraits de documents officiels)
Le 3 mars 1941, le général de Larminat, prononçait à Radio-Brazzaville l’allocution suivante :
Koufra est pris. Le puissant fort d’El-Tag qui commande toute la région, encerclé et harcelé par nos troupes, a capitulé le 1er mars, à 9 heures. Nous n’avons pas encore d’autres détails, mais tout porte à croire que de nombreux prisonniers et un important matériel sont tombés dans nos mains.
Militairement, cette conquête a une grande importance, car le terrain d’aviation de Koufra est indispensable à la liaison aérienne Tripoli-Addis-Abeba. Cette liaison est définitivement rompue maintenant, et ainsi les troupes du Tchad ont aidé leurs camarades, qui, aux côtés des Britanniques, opèrent en Érythrée. La prise de Koufra aura un très grand retentissement dans le monde musulman, car Koufra est le siège de l’importante confrérie des Senoussis, qui avaient proclamé la guerre sainte contre les Alliés au cours de la dernière guerre, chassé les Italiens de tous les postes qu’ils occupaient à l’intérieur de la Libye, et poussé les incursions jusque dans le Sahara français. Tous les Musulmans d’Afrique connaissent Koufra la mystérieuse, Koufra la ville sainte, Koufra l’inaccessible dans le désert. Demain, les Marocains, les Algériens, les Tunisiens, les Maures, les Sénégalais, les Soudanais se répéteront que Koufra a été pris par les Français. Et tous se réjouiront de voir une ville sainte arrachée aux Italiens ennemis de l’islam, et tous reprendront courage et confiance dans les destinées de la France.
Voilà ce que signifie la prise de Koufra comme résultat pratique immédiat. Mais elle signifie bien davantage dans le domaine de l’esprit, et c’est l’esprit qui finalement gagne les guerres.
Koufra, c’est le premier point du globe conquis par des forces françaises sur l’ennemi depuis les armistices de honte (…).
La France Libre est en marche. Koufra est une étape de plus, glorieuse entre toutes, sur la route de la victoire. Honneur aux conquérants de Koufra, leur exemple sera suivi et la France revivra de la vaillance de ses enfants les plus dévoués.
Extrait de la Revue de la France Libre, n° 36, mars 1951.